Kosovo : Mitrovica, le chaos25/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1650.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Kosovo : Mitrovica, le chaos

La situation critique du Kosovo, cristallisée autour de la ville divisée de Mitrovica, est de moins en moins contrôlée par les forces militaires internationales de la Kfor.

Outre que des soldats français de cette force y ont été pris pour cibles, lors des affrontements de début février, par des francs-tireurs albanais, et des soldats américains à leur tour par des Serbes, la population albanaise kosovare a spectaculairement démontré, lundi 21 février, sa détermination anti-serbe en marchant en masse sur Mitrovica. Au plus fort de leur démonstration, les manifestants, dont une bonne partie était venue de Pristina (40 km) à pied, se sont trouvés à environ 100 000, d'après l'AFP, dans la partie sud (à majorité albanaise) de la ville. Dans ce tout petit pays qu'est le Kosovo, cela représente une mobilisation importante. Il a fallu que des soldats britanniques, français et danois s'interposent brutalement pour empêcher qu'ils ne pénètrent dans la zone nord, où la population serbe est concentrée, en bloquant manu militari le fameux pont dit " de la discorde " sur la rivière Ibar, qui sert de ligne de démarcation.

Un fiasco sanglant

Couvre-feu, déploiement de blindés, patrouilles, grenades lacrymogènes... ce ne sont certes pas les images d'une cohabitation inter-ethnique restaurée que fournit la ville, devenue l'enjeu principal de l'épreuve de force montante.

Les miliciens nationalistes serbes, et derrière eux la clique Milosevic à Belgrade, en ont fait leur bastion, en vue d'une partition territoriale qui leur laisserait le nord de la ville et la zone minière, proches de la limite administrative avec la Serbie. De leur côté, les manifestants du 21 février, sous les drapeaux albanais et avec des slogans en faveur de l'UCK, criant " Dehors, les criminels " et " Le Kosovo est un " (c'est-à-dire albanais), leur ont lancé un défi, réussi de leur point de vue.

Ainsi, à peine huit mois après les accords signés à Kumanovo en juin 1999, qui mirent fin aux bombardements de l'Otan en échange du départ des troupes serbes de la province, l'hypocrisie et l'inanité de l'objectif officiel des grandes puissances - restaurer la paix dans un Kosovo multi-ethnique - s'étalent au grand jour.

La plus grande partie de la population serbe kosovare a quitté le territoire, de gré ou de force, et ceux qui restent sont regroupés dans quelques enclaves surveillées en permanence par les militaires de la Kfor, outre la poudrière de Mitrovica.

Les dirigeants impérialistes avaient promis, sur un autre plan, qu'ils aideraient matériellement le Kosovo à se reconstruire et favoriseraient ainsi le redémarrage d'une vie décente pour les populations, mais ils n'ont pas plus été capables d'accoucher de quelques résultats significatifs dans ce domaine que dans les autres. Aujourd'hui, les Kosovars vivent toujours dans le dénuement, au milieu des ruines, sans les services publics élémentaires, sans avenir. Pourtant, les moyens économiques et financiers nécessaires à l'échelle d'une province dont la superficie n'est guère supérieure à celle d'un grand département français, ne serait-ce que les puissances de l'Union européenne les auraient si elles le voulaient ; mais, même cela, il ne faut pas l'attendre de ces impérialistes qui ne savent financer sans lésiner que des moyens militaires sophistiqués, pour mener des guerres barbares.

Quel problème pour les dirigeants impérialistes ?

Bien sûr, les grandes puissances peuvent laisser s'enliser une situation de ce genre sans que cela les gêne outre mesure - bien des exemples à travers le monde l'attestent.

Cependant, au Kosovo, les affrontements se multiplient dangereusement et la situation est explosive - ce qui peut se révéler plutôt gênant étant donné, en particulier, l'implication de forces militaires de trente-trois États différents.

Il est concevable que les grandes puissances en viennent donc à rechercher une solution politique à plus long terme que l'accord bâclé de juin 1999 : celui-ci ne visait qu'à parer au plus pressé, à obtenir le retrait des forces de Milosevic avec le consentement de la Russie et de la Chine à l'ONU, et le Kosovo était maintenu sous la " souveraineté " serbe dans le cadre de la mini-fédération Serbie-Monténégro. Ce qui, évidemment, ne réglait rien...

Alors, va-t-on, en guise de règlement de la " question du Kosovo ", vers un dépeçage de cette petite province à son tour, entérinant le fait accompli, accordant satisfaction aux nationalistes serbes avec le petit bout de territoire auquel ils s'accrochent, pas le moins bien pourvu, et laissant le reste à la domination des chefs de guerre de l'UCK ? C'est possible, et les impérialistes pourraient même emballer cela dans un statut d'autonomie, voire d'indépendance, avec ou non la perspective d'un rattachement ultérieur de la partie albanaise du Kosovo à l'Albanie au besoin.

Ces hypothèses et modalités sont sans doute ce qui se discute dans les instances dirigeantes des pays impérialistes. Mais le plus clair demeure que le sanglant fiasco actuel est, pour une large part, fruit de leurs oeuvres ; que l'intervention militaire et les bombardements de l'OTAN n'ont fait qu'empirer les problèmes interethniques qui se posaient au point de les rendre insolubles avant longtemps, envenimant haines et ressentiments, creusant un fossé plus terrible que jamais entre les populations locales.

Que le minuscule Kosovo soit, à son tour, divisé - le morcellement de l'ex-Yougoslavie n'a pas de fin -, qu'il soit dit " indépendant " ou qu'il finisse par être rattaché à l'Albanie, ce n'est de toute façon qu'une perspective bien misérable que ce monde impérialiste a à offrir à ses peuples.

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