Kosovo : La situation à Mitrovica et la responsabilité des impérialistes18/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1649.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Kosovo : La situation à Mitrovica et la responsabilité des impérialistes

Depuis les affrontements sanglants qui ont éclaté entre le 2 et le 4, puis le 13 février, dans la ville de Mitrovica (à population majoritairement albanaise, mais avec une grosse minorité serbe), et qui ont visé enparticulier les soldats français de la KFOR, Bernard Kouchner, représentant de l'ONU, a pris une série de mesures de contrôle de police et réclame à cor et à cri davantage de policiers. Français en particulier, car si plusieurs pays européens ont accepté d'en envoyer, Jean-Pierre Chevènement, lui,refuse - sans que ses raisons soient bien claires.

En tout cas, alors que Kouchner, l'ONU, la force internationale armée (KFOR) sont en principe au Kosovo en tant que forces de paix, chargés du maintien d'un Kosovo multi-ethnique, cet appel à des renforts policiers illustre l'inextricabilité de la situation. Kouchner a donné à la télévision l'image même de l'impuissance.

Ses efforts en vue de mettre sur pied une administration conjointe entre l'ONU et des représentants albanais et serbes sont torpillés par la violence des affrontements.

Une partition en passe d'être entérinée de fait

Depuis la fin des bombardements de l'OTAN et l'entrée de la KFOR au Kosovo, l'objectif des forces serbes était de rester maîtresses de cette région située au nord de la province et adossée à la Serbie, en s'appuyant sur la partie nord de la ville où la population serbe est concentrée.

L'enjeu est d'importance, car la région englobe le complexe minier et industriel de Trepca, cher aux intérêts de la famille Milosevic comme de quelques sociétés commerciales occidentales, notamment la société française SCMM. Mais l'enjeu est sans doute aussi politique pour le régime Milosevic, car récupérer ce bout de territoire du Kosovo pourrait lui permettre de présenter la chose comme un succès de sa politique de " Grande Serbie ", qui jusque-là n'a connu que des échecs. Si ce régime et Milosevic à sa tête arrivent à se maintenir, c'est en jouant principalement sur ces ressorts nationalistes. Récemment encore, Milosevic martelait en public : nous n'abandonnerons jamais le Kosovo, les grandes puissances ne sont là que temporairement...

Ainsi, la situation créée à Mitrovica prépare les conditions d'un partage de fait. Les renforts militaires et policiers des Occidentaux n'arrangeront rien. On peut même penser qu'ils permettront par l'avaliser.

La responsabilité des puissances impérialistes

Aujourd'hui, Kouchner a le culot de justifier ce fiasco en déclarant que rien ne peut être réglé " après quelques mois seulement d'administration internationale, alors que les gens s'entre-tuent depuis des siècles ", ou encore que " Dans cette région des Balkans, les gens ont une fâcheuse tendance à prendre leurs amis pour leurs ennemis et leurs ennemis pour leurs amis. Les Kosovars doivent apprendre à reconnaître leurs amis. " (Le Monde du 15 février). " Les gens " ont bon dos, et le mépris d'un Kouchner est révoltant. En fait, la situation est largement le résultat de la politique des grandes puissances elles-mêmes. Résultante de toute leur politique passée, d'abord, mais plus directement encore de leur sale guerre qui a semé la mort et la ruine économique, sans même aboutir à chasser Milosevic ni à plus forte raison à satisfaire les aspirations de la population albanaise majoritaire, dont les puissances impérialistes n'ont que faire. Et leur règlement de paix lui-même est une source de confusion supplémentaire puisqu'il laisse officiellement le Kosovo... sous souveraineté serbe (ce qui permet par ailleurs à la dictature de Belgrade de détenir dans ses prisons aujourd'hui quelque 2000 Albanais kosovars, sans explications, et sans qu'on ait de leurs nouvelles).

Les intérêts des nationalistes serbes dans la constitution de la poudrière de Mitrovica sont assez évidents. En discréditant la mission de l'ONU, ils avancent vers le fait accompli de la division du territoire, et les affrontements actuels ont déjà eu pour résultat de quasiment vider la zone nord de la ville de ses derniers habitants albanais - forme de " purification ethnique ". Mais, symétriquement en quelque sorte, le jeu des dirigeants nationalistes albanais intervient aussi, derrière lequel les intérêts de bandes mafieuses ne sont pas bien loin, si on en juge d'après maints témoignages et l'histoire de l'UCK.

Les grandes puissances mettent, en outre, leur huile sur le feu. Ce n'est pas un mystère que l'UCK reçoit un certain soutien du côté des États-Unis, tandis que si les États-Unis et les Albanais accusent l'armée française de protéger les Serbes, ce n'est pas non plus sans raison. On se souvient de la complaisance de généraux français pour les forces serbes en Bosnie, à Srebrenica et ailleurs, malgré leurs forfaits.

Il ne reste plus grand-chose de l'image humanitaire qu'avaient cherché à se donner l'ONU et l'OTAN. Leur emprise sur la province du Kosovo se montre de plus en plus ouvertement pour ce qu'elle est, un protectorat impérialiste au caractère policier croissant, presque dans la position d'une administration coloniale. Il n'est pas surprenant qu'elle suscite chaque jour davantage l'exaspération et l'amertume au sein de la population albanophone qui avait peut-être cru voir dans l'entrée des soldats de la KFOR une promesse d'indépendance nationale, et qui ne reconnaît pas en eux aujourd'hui des " amis "...

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