À Moulinex comme partout, faire payer la casse aux gros actionnaires et pas aux travailleurs !28/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1646.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

À Moulinex comme partout, faire payer la casse aux gros actionnaires et pas aux travailleurs !

Contredisant les déclarations faussement optimistes du gouvernement sur l'embellie que connaîtrait l'emploi, Moulinex vient d'annoncer une nouvelle charrette de licenciements. Et pas des moindres puisque, dans des délais brefs, 1 500 à 2 000 travailleuses et travailleurs seront privés de leur emploi. Cette décision vient s'ajouter à la trop longe liste des entreprises qui " dégraissent ", pour reprendre l'élégante formule utilisée dans les milieux patronaux et économiques. Et malheureusement, on peut dire que cette liste est loin d'être close.

Les restructurations à Moulinex sont à la Une des journaux, comme l'étaient hier celles annoncées à Michelin, avant hier celles effectuées par Renault, entre autres à Vilvorde. On en parle, parce que ces entreprises sont connues. La célébrité de Moulinex tient d'ailleurs autant à la marque qu'aux trop nombreux plans de restructuration qu'elle a décidés ces dernières années et qui se sont traduits par plusieurs centaines de suppressions d'emplois. Mais on nous informe moins sur ce qui se passe ailleurs.

Et pourtant, c'est quotidiennement que des suppressions d'emplois sont annoncées dans des entreprises petites, moyennes ou grandes, sans qu'en dehors des personnes concernées, cela se sache. Car, partout, la politique du patronat est la même ; supprimer des emplois, augmenter l'intensité du travail, voire délocaliser d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre, pour augmenter ses marges, c'est-à-dire ses profits.

Les dirigeants de Moulinex, qui prétendent que leur entreprise fait aujourd'hui des pertes, annonçaient des bénéfices il y a deux ans. Ils ont, comme bien des patrons, reçu des milliards de francs de subventions de l'Etat, des organismes régionaux ou locaux. Et, en particulier, à chaque fois qu'ils ont annoncé des plans dits " sociaux ". Ces dizaines de milliards, destinés prétendument à préserver l'emploi - et le gouvernement en promet d'autres, par la bouche de Chritian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - que sont-ils devenus ? Volatilisés, annihilés ? Pas le moins du monde. Ils sont bien passés quelque part, et il n'y a pas besoin d'une longue enquête pour savoir où. Ils ont été transférés sur les comptes en banque de quelques gros actionnaires qui, eux, ne se retrouveront pas sur la paille, à la différence des salariés de Moulinex que l'on va remercier d'une drôle de façon, en les privant de leur emploi. Pourquoi ne prendrait-on pas sur les richesses que ces actionnaires ont accumulées grâce au travail des travailleurs de Moulinex, comme de bien d'autres, pour combler le " trou " de l'entreprise ? En admettant que ce trou existe et ne soit pas tout simplement une fiction comptable pour justifier les mesures de compression de personnel ? Pourquoi serait-ce, comme à chaque fois, les travailleurs qui paieraient la casse ?

Dans la logique des capitalistes, des gros actionnaires, des hommes de la Bourse, une entreprise n'est pas viable lorsqu'elle ne rapporte pas 10 à 15 % de leurs investissements. Peu importe à ces gens-là le sort des femmes et des hommes qui auront à subir les conséquences néfastes de leurs choix, de leurs manipulations financières. Peu leur importe que cela se traduise par la misère dans les familles populaires, par la mort lente de toute une ville, voire de toute une région.

Mais cette logique est non seulement criminelle, elle est absurde. L'exemple de Moulinex en est une illustration particulièrement frappante puisque l'entreprise produit des ustensiles électroménagers, et qu'elle a les moyens techniques de satisfaire aux besoins immédiats de la population. Est-ce que, partout, ses besoins sont satisfaits ? Est-ce que la demande est saturée ? Pas du tout. Sauf que ce qui motive les capitalistes, ce n'est pas de satisfaire des besoins, mais de faire du fric. Ce qu'il leur faut, ce n'est pas simplement qu'il y ait une demande, mais que cette demande soit solvable. Or, c'est vrai, la demande solvable diminue, en France d'abord, où la misère persiste et grandit, touchant une importante fraction de la population. Mais aussi ailleurs. On nous dit qu'une des raisons des difficultés de Moulinex serait le rétrécissement du marché des pays de l'Est, entre autres celui de la Russie, suite à la crise du rouble. Les capitalistes se moquent de savoir si ce qu'ils fabriquent est nécessaire, utile ou pas. Leur unique souci est de fabriquer toujours plus de profits, et pour cela, s'il le faut, ils fabriquent des chômeurs.

Eh bien, les travailleurs doivent, s'ils veulent préserver leurs conditions d'existence, briser la logique des profiteurs. Et tout d'abord exiger, eux et leurs représentants, de pouvoir prendre connaissance de la comptabilité des gros patrons, de pouvoir connaître non seulement les salaires de membres de leur direction, mais tous leurs revenus, connaître les actionnaires, leur fortune, les transactions qui s'opèrent dans le secret. Cette investigation montrerait que là où l'on nous parle de perte, il n'y a bien souvent qu'un mensonge. Et, en tout cas, ça n'est pas une perte pour tout le monde.

Et puis il faut oser prendre l'argent là où il est, c'est-à-dire aux actionnaires, au lieu de faire payer ceux qui n'avaient jusqu'alors que leur maigre salaire pour vivre.

Le gouvernement, par la voix de Christian Pierret, " exige " que Moulinex ne procède à aucun licenciement sec. Mais il n'assortit pas son " exigence " d'une contrainte quelconque. Au contraire, il promet de nouvelles subventions. Il n'exige pas que tous ceux qui ont profité du travail des salariés qu'on va mettre à la porte restituent l'argent perçu ; il n'exige même pas que l'argent des subventions versées par l'Etat soit lui aussi restitué.

Force est donc de constater que les discours " énergiques " des ministres et autres secrétaires d'Etat ne sont que du cinéma.

Les futurs sans-emploi de Moulinex, comme les millions d'autres dans ce cas, ne vivent pas un mauvais film ; ils subissent une dure réalité à laquelle il est vital et urgent de mettre un terme.

Et c'est possible, si les luttes des travailleurs, qui se multiplient ces temps-ci, convergent en une lutte de l'ensemble de la classe ouvrière, et changent le rapport de forces entre le monde des travailleurs et celui des exploiteurs.

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