Marée noire : Devant les Conseils régionaux des Pays-de-Loire, Bretagne et Poitou-Charentes, Desmarest tente de dépolluer son image28/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1646.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Marée noire : Devant les Conseils régionaux des Pays-de-Loire, Bretagne et Poitou-Charentes, Desmarest tente de dépolluer son image

Samedi 22 janvier, a eu lieu une réunion exceptionnelle "Marée noire" des Conseils régionaux Pays-de-Loire, Bretagne et Poitou-Charentes.

Entre les élus des trois Conseils régionaux et les CRS qui empêchaient tout accès à l'Hôtel de Région, Fillon (président RPR des Pays-de-Loire) avait déplacé beaucoup de monde à Nantes pour venir entendre Desmarest, le PDG de TotalFina, à qui il offrait ainsi une tribune. Pourtant, c'est plutôt sur le banc des accusés qu'aurait dû se retrouver Desmarest, puisque la commission d'enquête l'a désigné comme l'un des principaux responsables de la marée noire qui a touché les côtes atlantiques.

Fillon a tout de suite planté le décor de cette réunion en remerciant Desmarest car " il aurait été plus facile pour lui de décliner l'invitation à s'expliquer " et " si l'assemblée régionale devait se faire le porte-parole de la colère citoyenne, elle était une assemblée de responsables politiques et non pas un tribunal ". Son compère De Rohan (président RPR du Conseil de Bretagne), lui, tout en disant que Total devrait prendre en charge les réparations, a invité l'assemblée à " résister à la démagogie et à la facilité ".

Tous les groupes politiques se sont exprimés en demandant avec plus ou moins d'insistance la prise en charge des réparations et indemnisations par Total. A droite, certains sont même allés jusqu'à dénoncer la course au profit maximum (Chirac ayant donné l'exemple quelques jours auparavant). A gauche, le libéralisme a été dénoncé mais personne n'a exigé des mesures de contrainte. Au mieux, c'étaient des " demandes solennelles " et autres invitations de Gayssot aux armateurs et affréteurs qui étaient mises en avant.

Bref, on le voit, une belle unanimité... qui risque de ne pas déboucher sur grand-chose.

Desmarest, lui, a simplement redit ce qui avait été annoncé dans plusieurs quotidiens : 400 millions pour le pompage de l'Erika, 200 millions pour le traitement des déchets et 100 millions pour le nettoyage des sites. Plus la création d'un fonds pour préserver les équilibres écologiques, la participation à une campagne de publicité pour restaurer l'image des côtes polluées... (mais surtout celle de TotalFina). Par ailleurs, il s'est dit d'accord pour plus de contrôles et de transparence, ce qui ne l'engageait pas beaucoup.

Les deux conseillers régionaux de Lutte Ouvrière (Pays-de-Loire et Bretagne) disposaient de deux minutes de parole chacun. Ils ont dénoncé l'hypocrisie des responsables de l'Etat et du gouvernement, l'absence de volonté et de moyens de contrainte, et la politique des grands groupes capitalistes, Total mais aussi les autres. Voici quelques extraits de leurs interventions.

Martial Collet, élu Lutte Ouvrière au Conseil régional de Bretagne a souligné que : " (...) Une commission d'enquête a reconnu votre entière responsabilité dans le naufrage de l'Erika. Mais le seul que la justice ait éprouvé le besoin d'embastiller jusqu'à ce jour, c'est le capitaine du navire dont l'enquête a prouvé qu'il n'avait commis aucune faute. (...) Mais ceux qui, comme vous, ont imposé à ce capitaine et à son équipage de prendre la mer au péril de leur vie, sont accueillis avec les honneurs de la tribune par la majorité de cette assemblée. Tout comme la justice, tout comme les gouvernements, elle a un comportement de classe : dur avec les pauvres, servile avec les puissants et à plat ventre devant les capitalistes que vous représentez ici, même quand, et c'est votre cas, ils se rendent coupables de comportements criminels. Qu'importe, puisque c'est pour faire du profit.

Comme les dirigeants des autres grands groupes capitalistes, les dirigeants des groupes pétroliers sont prêts à tout pour accroître la fortune des actionnaires en même temps que la leur. La marée noire actuelle n'est qu'un des aspects des nuisances que vous imposez à toute la société, parmi lesquelles le soutien aux pires dictatures, comme en Birmanie, du moment qu'elles vous permettent le pillage des ressources pétrolières d'un pays. (...) ".

Yves Cheere, élu Lutte Ouvrière au Conseil régional des Pays-de-Loire ajoutait : " (...) La palme de l'hypocrisie en la matière est revenue à Chirac, qui a dénoncé les pavillons de complaisance, alors qu'en 1987, c'est son gouvernement qui a instauré un pavillon de complaisance français, celui des Kerguelen (...). Depuis le Torrey Canyon, c'est la même rengaine : plus jamais ça, ont dit les gouvernements successifs. Mais ces phrases pieuses n'ont pas empêché les catastrophes. Et pour cause, puisqu'ils n'ont jamais voulu s'en prendre à la cause fondamentale de ces catastrophes : la course au profit. Aujourd'hui encore, les responsables de l'Etat se contentent de demander aux armateurs et aux affréteurs de prendre les mesures de sécurité qui s'imposent. Ils demandent, mais ils n'exigent pas, et surtout ils refusent d'envisager quelque contrainte que ce soit pour imposer des mesures de sécurité.

Pourtant, quand il s'agit d'obliger des millions d'automobilistes à faire contrôler leurs véhicules à leurs frais, on sait mettre (en oeuvre) les moyens techniques et de considérables moyens de répression. Mais quand il s'agit de faire payer les milliardaires, les gouvernements sont curieusement impuissants. (...) Et pourtant, l'opinion publique soutiendrait des mesures de salut public visant à protéger l'environnement et les conditions de travail des équipages. Mais nos gouvernants sont plus courageux pour braver l'opinion que pour braver les grandes puissances du fric devant lesquelles ils s'applatissent ".

En fin de séance, Fillon a proposé le vote d'une motion commune très oecuménique. Les conseillers de Lutte Ouvrière ont refusé de prendre part au vote car ce n'étaient que des voeux pieux. Cependant, l'après-midi, lors de la tenue d'une session du Conseil régional des Pays-de-Loire, le conseiller régional de Lutte Ouvrière a voté les aides proposées, notamment pour aider les communes et les professions de la mer, tout en dénonçant le fait que ce soient les contribuables qui avancent l'argent, et non pas TotalFina. Il a aussi refusé sa confiance à Fillon pour la distribution de ces aides.

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