Espagne : Après la rupture de la trêve de l'ETA28/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1646.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Après la rupture de la trêve de l'ETA

Vendredi 21 janvier, à Madrid, un lieutenant-colonel de l'armée espagnole et une jeune femme trouvaient la mort dans un attentat perpétré par l'organisation indépendantiste basque, l'ETA. Tous les moyens mis en oeuvre par le gouvernement d'Aznar depuis que l'ETA avait annoncé la fin de la trêve - arrestations de commandos, saisies d'explosifs, surveillances diverses - n'ont pas réussi à paralyser les terroristes.

L'émotion a été grande dans toute l'Espagne. Dans les heures qui ont suivi l'attentat, les partis nationaux, mais aussi les partis nationalistes modérés du Pays basque (le Parti nationaliste basque (PNV) et Eusko Alkartasuna) ont appelé à des manifestations devant les sièges des institutions, en particulier au Pays basque. Le dimanche 23 janvier à Madrid s'est déroulée une manifestation, de près d'un million de personnes selon la presse, qui rappelait par son ampleur celle d'il y a deux ans contre l'assassinat par l'ETA d'un conseiller du Parti Populaire, Miguel Angel Blanco. Cette fois encore, cette protestation, qui exprimait le rejet du terrorisme, ne pouvait manquer d'être l'occasion d'une sorte d'union sacrée réunissant au coude à coude, en tête de la manifestation, les représentants du Parti Populaire, le parti de droite au pouvoir, ceux du parti socialiste (le PSOE), d'Izquierda Unida (la Gauche Unie, liée au Parti Communiste), ainsi que ceux du patronat avec, à leurs côtés, les trois chefs des gouvernements qui se sont succédé depuis la mort de Franco.

Cependant, il faut remarquer qu'au Pays basque même, les rassemblements, dans lesquels d'ailleurs les représentants d'Herri Batasuna (le bras politique de l'ETA) étaient présents avec leurs propres mots d'ordre, n'étaient pas très importants. Par ailleurs, il est à noter que le lendemain de l'attentat, les Comités pour l'Amnistie ont réuni à Pampelune (Navarre) quelque 10 000 personnes ; autant ou plus que le nombre des participants aux manifestations anti-ETA qui se sont déroulées dans les autres capitales des provinces basques. Les manifestants de Pampelune réclamaient le transfert au Pays basque des prisonniers basques. Or ce problème, auquel le gouvernement n'a donné aucune solution pendant la trêve décidée par l'ETA, continue d'être ressenti comme une inacceptable injustice par une partie importante de la population basque et constitue un terrain sur lequel l'ETA trouve une large audience parmi la population du Pays basque.

La réaction des partis nationalistes basques modérés, le PNV et EA, dont l'ETA dénonce le manque de fermeté sur le problème de la " construction nationale " du Pays basque, les désignant du même coup comme les responsables de la rupture de la trêve, a été très mesurée. Si ces partis ont suspendu de façon floue l'accord existant entre le gouvernement basque et les indépendantistes liés à l'ETA, ils continuent d'appuyer cette sorte de front nationaliste que constitue le pacte de Lizarra, malgré les fortes pressions du gouvernement les incitant à s'allier avec les " démocrates ". Il faut en effet se souvenir que, tandis que dans le Parlement espagnol le PNV a soutenu le gouvernement, au Pays basque il est en compétition sur le terrain du nationalisme avec la coalition Herri Batasuna, liée à l'ETA, qui a remporté récemment encore des succès sur le terrain électoral.

De toute façon, cet attentat qui sera peut-être suivi d'autres actions terroristes de l'ETA sera largement utilisé à l'approche des élections qui doivent se dérouler en mars. La droite au pouvoir va en profiter pour présenter la fermeté qu'elle préconise comme la seule garantie " de la liberté et de la sécurité des citoyens ". Et il y a fort à parier que les partis de gauche lui laisseront sur ce terrain le champ libre en même temps qu'ils se garderont bien de mettre en avant une politique visant à défendre au niveau de l'ensemble de l'Espagne les intérêts des travailleurs.

Mais, une fois de plus, on peut mesurer combien la politique menée par les nationalistes radicaux de l'ETA n'a rien à voir avec les intérêts des populations qu'ils prétendent défendre. Car même si, au Pays basque, l'ETA garde ses positions, voire augmente son influence, elle ne s'en servira pas pour mettre en place ne serait-ce qu'au Pays basque un pouvoir plus démocratique et plus juste. Les dirigeants indépendantistes de l'ETA ambitionnent à terme de conquérir le pouvoir politique dans un Pays basque indépendant. Mais ce pouvoir dont ils rêvent ne serait pas au service des classes les plus pauvres de la population basque. Il échapperait au contrôle du peuple basque. Il imposerait aux travailleurs du Pays basque de se soumettre à l'exploitation de la bourgeoisie basque. Il serait dans la lignée des méthodes terroristes que l'ETA utilise indépendamment de la mobilisation de la population et hors de son contrôle. Et c'est bien pourquoi, même si nous pensons que l'Etat espagnol est le premier responsable de la situation au Pays basque pour n'avoir jamais reconnu au peuple basque le droit de choisir ses liens avec l'Etat espagnol, nous dénonçons la politique et les méthodes de l'ETA.

Actuellement, le gouvernement du Parti Populaire, comme les gouvernements qui l'ont précédé, s'obstine à refuser toute issue politique au problème basque. Il mène une politique policière contre l'ETA. Et cet affrontement conduit à un enlisement sanglant de part et d'autre comme le démontrent d'une part les attentats de l'ETA et de l'autre les crimes du terrorisme d'Etat visible aujourd'hui avec les affaires Lasa et Zabala, des militants basques torturés et assassinés par la garde civile.

Ni l'ETA ni l'Etat capitaliste ne vont favoriser les intérêts des travailleurs qui ont besoin, au Pays basque et dans toute l'Espagne, d'une politique correspondant à leurs intérêts de travailleurs, des intérêts qui, d'une région à l'autre, sont fondamentalement les mêmes.

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