Équateur : La valse des dictateurs28/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1646.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Équateur : La valse des dictateurs

La capitale de l'Equateur, Quito, a été le théâtre d'un soulèvement indien qui a conduit au renversement du régime du président social-démocrate Jamil Mahuad, un soulèvement auquel a bien vite succédé la prise en main des principaux rouages du pouvoir par l'armée.

Des colonels, qui avaient paru, ou fait semblant de fraterniser avec les paysans pour se porter sur le devant de la scène, ont, le jour suivant, cédé la place et remis le pouvoir aux mains des généraux, avec l'appui de politiciens qui, eux aussi, s'étaient propulsés en tête du mouvement. Au terme d'un curieux tour de passe-passe, on a ainsi vu pousser sur le devant de la scène le vice-président du précédent régime, Gustavo Noboa, membre d'une famille riche, qui s'est retrouvé président, par la grâce des généraux, tandis que les paysans pauvres étaient oubliés.

En Equateur, les Indiens représentent selon les estimations de 30 à 43 % d'une population qui compte un peu plus d'une douzaine de millions d'habitants. Ce sont le plus souvent des paysans très pauvres. Ils sont cependant organisés dans une Coordination nationale des nations indigènes d'Equateur (CONAIE) qui intervient souvent dans la vie politique. Ces dernières années, ils se sont notamment opposés à des tentatives de réformes agraires destinées à les appauvrir encore plus.

Ce n'est pas non plus la première fois qu'ils manifestent leur mécontentement contre un gouvernement et sa politique d'austérité. Ils étaient déjà intervenus dans la destitution du précédent président. Cette fois, ils entendaient protester notamment contre ce qu'ils appellent la " dollarisation ", c'est-à-dire le remplacement de la monnaie locale par le dollar. Lancée il y a une quinzaine de jours, cette dollarisation est justement interprétée comme une autre façon de réduire la part des plus pauvres dans la distribution de la richesse nationale ; une part déjà d'autant plus réduite que, depuis dix-sept mois, le pays est en pleine récession. La production nationale a reculé de 7 % l'an dernier. L'ancien président n'a cessé de multiplier les mesures d'austérité pour essayer d'attirer, sans grand succès, des capitaux vers l'Equateur.

Dans les premières heures de ce qu'un colonel prétendait être la " révolution pour un Etat sans voleurs ", le président de la CONAIE, le leader paysan Antonio Vargas était optimiste. Il déclarait : " Que nous offre cette démocratie formelle ? Des élections. Et les élus ne tiennent jamais leurs promesses. Ils l'emportent parce qu'ils ont l'argent à la télévision. [...] Notre mouvement est absolument pacifique. Nous n'attaquerons pas la propriété privée. [...] Nous allons démontrer au monde entier que le peuple peut parvenir au pouvoir sans bulletin de vote, mais aussi, sans violence. Par la seule expression de sa volonté souveraine exprimée dans la rue. "

Mais les puissants n'ont pas seulement l'argent, ils ont aussi l'armée et d'autres corps de répression à leur dévotion. Et des politiciens, civils ou militaires, prêts à se présenter comme les avocats des pauvres pour mieux les désarmer quand ils se mobilisent.

Pour sortir de la misère, les masses pauvres ne peuvent espérer quoi que ce soit ni de l'armée ni des politiciens corrompus. Leur salut ne peut venir que d'une alliance des travailleurs des villes et des campagnes qui ne s'arrêterait pas devant la propriété privée des classes riches.

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