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Grande-Bretagne : Blair soigne la santé publique à coups de bluff
Le gouvernement travailliste de Tony Blair en est à s'inquiéter des conséquences politiques de la crise du système de Santé, projetée sur le devant de la scène par l'épidémie de grippe.
La Santé était en effet, avec l'éducation, l'un des rares domaines où l'électorat populaire faisait encore " crédit " à Blair. Or jour après jour la presse révèle des scandales qui dépassent de très loin le cadre de la situation exceptionnelle créée par l'épidémie.
Par exemple, le cas de cette patiente atteinte d'un cancer qui aurait été opérable si elle n'avait pas été renvoyée d'hôpitaux en hôpitaux pendant plus de huit mois, faute de lit disponible. Aujourd'hui son cancer s'est généralisé et il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Et ce n'est là qu'un cas parmi des dizaines rendus publics au cours des dernières semaines.
Face à ce genre de scandales, le gouvernement proteste de sa " bonne volonté ", documents à l'appui, en se vantant des " cent lits " qu'il aurait ouverts dans les services d'urgences depuis mai 1999. Cent lits pour le pays tout entier, alors que dans le même temps des services entiers ont été fermés parce que le budget de fonctionnement alloué ne permettait pas de les faire fonctionner ! Alors que le délai moyen d'attente pour l'ablation d'une tumeur cancéreuse est de quatre mois selon les statistiques officielles ! Dans un tel contexte, les protestations officielles apparaissent aussi cyniques que dérisoires.
D'autant qu'en plus, ces cent lits n'ont jamais existé autre part que sur le papier. Car une fois les fonds alloués aux hôpitaux, ce sont ceux-ci qui en choisissent l'usage. Et pour atteindre les objectifs financiers qui leur sont fixés par le gouvernement, ils se servent en priorité des fonds nouvellement alloués soit pour combler les vides laissés par le budget précédent, soit pour créer des lits dans des services " à haut rendement ", c'est-à-dire là où la rotation des malades est rapide, ou bien encore là où il y a un matériel onéreux à " amortir " - et ce n'est pas forcément aux urgences ni dans les services de chirurgie " lourde ".
Sans doute Blair a-t-il fini par douter de l'efficacité de cette ligne de défense. En tout cas, à peine une semaine après l'avoir adoptée, il en a changé. Le 16 janvier, les téléspectateurs ont eu la surprise de voir apparaître un Blair bien bronzé sur leurs postes de télévision, à l'occasion d'une émission très populaire du dimanche matin. Et c'est plein de contrition qu'il s'est répandu en excuses pour les " difficultés " de la Santé, et en promesses de rallonges budgétaires. Le même jour, la presse annonçait " une augmentation annuelle de 5 % du budget de la Santé pendant cinq ans ".
Mais une fois de plus tout cela n'est que de la poudre aux yeux. D'abord sur le plan arithmétique, parce que ce que cache cette annonce, c'est qu'en plus du budget annuel prévu le gouvernement allouera une somme de vingt milliards de francs (soit environ 5 % du budget actuel de la Santé) à titre exceptionnel pendant les cinq années à venir. Au terme de ces cinq années, le budget reviendra tout au plus à son niveau actuel, corrigé (peut-être) de l'inflation.
Mais en plus, il n'est toujours pas question de mettre un terme au principal facteur de gabegie et surtout de chaos dans la Santé publique - ce " marché de la Santé " introduit par Thatcher et développé depuis par Blair, qui fait passer les objectifs financiers avant les soins et impose un lourd et coûteux fonctionnement bureaucratique.
Presque au même moment où Blair faisait cette annonce, le géant britannique de la pharmacie Glaxo-Wellcome annonçait sa fusion avec son homologue américain SmithKline-Beecham, pour former le numéro Un de la pharmacie mondiale. La capitalisation boursière de ce nouveau groupe devrait atteindre environ 1 150 milliards de francs, soit près de trois fois le budget annuel de la Santé publique britannique. Or il faut savoir que Glaxo-Wellcome, le principal partenaire de cette nouvelle fusion, a dû son ascension rapide à une position de quasi-monopole dans l'énorme marché du système de Santé britannique et au financement par l'Etat d'une partie importante de ses travaux de recherche. Au moment où le système de Santé traverse une telle crise, exiger de ces grands groupes qu'ils participent à son renflouement, après l'avoir parasité pendant des décennies, ne serait qu'un juste retour des choses. Mais bien sûr il ne faut pas attendre cela d'un Blair, pas plus que d'un Jospin en France.