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Chili - Vers le retour de Pinochet : Les " bons " bourreaux de l'impérialisme
Invoquant des raisons médicales, le ministre de l'intérieur britannique, Jack Straw, a indiqué qu'il pourrait refuser l'extradition de Pinochet vers l'Espagne. Mais même ce conditionnel l'est de moins en moins puisqu'avant même qu'une décision officielle soit annoncée, les autorités britanniques avaient autorisé l'armée chilienne à envoyer un avion spécial destiné à emmener l'ancien dictateur.
C'est à l'initiative d'un juge espagnol, Galzon, que l'ancien dictateur chilien, venu en Angleterre pour une banale opération chirurgicale en septembre 1998, avait été arrêté. Défendant des victimes espagnoles de la féroce répression de Pinochet, le juge aurait voulu faire comparaître celui-ci pour " génocide, terrorisme et incitation à la torture ". Mais, depuis seize mois, les autorités britanniques et espagnoles ont montré aussi peu d'empressement l'une que l'autre à répondre à cette demande.
Pinochet est resté en Angleterre en résidence surveillée... et dorée. Tandis que les Lords se penchaient sur le problème, les tractations se sont multipliées pour qu'il puisse retourner libre au Chili. Les dirigeants américains se sont prononcés publiquement dans ce sens.
En Grande-Bretagne même, Thatcher, dont le soutien inconditionnel à Pinochet remonte au coup d'Etat de 1973, est également montée au créneau pour celui qu'elle considère comme un allié fidèle de l'Etat britannique. Il faut dire que l'attitude plus nuancée mais non moins conciliante du gouvernement travailliste vis-à-vis de Pinochet ne date pas non plus d'hier. Moins de deux ans après le coup d'Etat de 1973, le premier ministre travailliste Wilson avait fait scandale dans son propre parti en donnant son feu vert à la vente de frégates à la marine de Pinochet. Pour le gouvernement Blair aujourd'hui comme pour celui de Wilson hier, Pinochet est un homme de l'ordre impérialiste à qui l'on doit tout le respect dû à la raison d'Etat, aussi déplaisant que soit le personnage.
Finalement, après avoir louvoyé pendant seize mois en jouant sur les procédures judiciaires pour éviter le scandale qu'aurait causé une sollicitude trop évidente pour le boucher de Santiago, Jack Straw a fini par s'abriter derrière une expertise médicale réalisée à sa demande. Selon lui, " la conclusion unanime et sans équivoque " de cette expertise serait que " Pinochet n'est pas en état de passer en procès " et qu'en conséquence " il n'y a pas de raison de poursuivre le processus d'extradition ". Ce qu'il fallait démontrer. Mais la ficelle étant un peu grosse, un des experts médicaux a tenu à mettre un peu de distances avec le ministre : " Dire que ces faits médicaux permettent sans équivoque de décréter une incapacité à être jugé est hors de notre domaine de compétences et hors de nos responsabilités ", a déclaré le médecin. De toute façon, Jack Straw n'a pas pris de risque. Pour prévenir toute contestation le rapport des experts a été déclaré... secret d'Etat. Et on peut s'attendre à ce que la demande de contre-expertise formulée par le juge espagnol qui avait réclamé l'extradition de Pinochet soit refusée.
Dans le domaine de l'hypocrisie, le gouvernement français a apporté, lui aussi, sa contribution. Alors que des plaintes contre Pinochet ont également été déposées en France, il a laissé entendre par la voix d'Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, qu'il respecterait les conclusions britanniques. Or, avec un dossier médical adéquat, le gouvernement anglais ne détient-il pas enfin l'alibi qu'il cherchait depuis seize mois pour éviter d'avoir à faire le procès de Pinochet, un souci partagé avec d'autres puissances que l'on appelle aussi démocratiques ?