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- Lutte ouvrière n°1645
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Dans les entreprises
Alstom (Saint-Ouen - 93) : Le projet de plan social dans une " poubelle ", oui, mais... une vraie !
Vendredi 7 janvier, à l'usine Alstom TSO de Saint-Ouen, une usine de 623 personnes qui fabrique des transformateurs pour EDF et l'exportation (Brésil, Thaïlande, Turquie...), une surprise nous attendait.
La direction, pour se prémunir du bogue de l'an 2000, avait mis en place dans le réseau informatique un dossier - qui s'appelle la " Poubelle " - et a donné pour consigne à tout le personnel concerné de mettre dans cette " Poubelle " les fichiers et programmes à sauvegarder absolument.
Là comme ailleurs, le bogue n'a pas eu lieu ; mais en reprenant des fichiers dans cette " Poubelle ", on a trouvé... un projet de budget incluant un plan social qui prévoit la suppression de 184 postes, avec 88 licenciements, 68 départs anticipés, 19 mutations dans le groupe (de Villeurbanne à la Chine) et des externalisations. Cela fait un tiers des effectifs de l'usine.
Tout de suite bien sûr, le document qui est en anglais a été rapidement traduit. Il a fait le tour de l'usine, surprenant tout le monde. Mais c'était le week-end. Dès le lundi 10 janvier, il y a eu de vives réactions dans les ateliers et les bureaux. D'autant plus que trois fois par jour en badgeant on peut voir inscrit en toutes lettres " bonne année 2000 ". Et pour enfoncer le clou, le directeur nous a envoyé ses bons voeux par courrier en y rajoutant de sa main : " J'ai une ambition pour TSO : lui faire gagner son avenir. Cette volonté, je sais que vous la partagez et qu'ensemble nous réussirons... "
Alors ce lundi, les noms d'oiseaux fusaient à l'adresse du directeur.
D'ailleurs la révélation du plan est mal tombée pour la direction. Il y a des commandes urgentes à finir pour encore au moins deux mois. Mercredi 12 janvier, elle réunissait donc la maîtrise, pour expliquer que le document n'était " qu'une hypothèse de travail, qu'il ne fallait surtout pas baisser les bras, il en va de la survie de l'entreprise, qu'il faut assurer la production... et pour les licenciements on verra plus tard ". Pour la maîtrise, qui est bien sûr aussi concernée par le plan (et dont certains vont avoir à établir les listes des licenciés), ce discours est mal passé.
L'agitation dans les ateliers et les bureaux a duré toute la semaine. Nous avons aussi alerté la presse qui s'en est fait écho. Et vendredi 14 janvier, plus de 80 % du personnel de toutes les équipes a débrayé. A 300 environ, nous avons envahi la salle où un CE extraordinaire se tenait. Il y avait là la quasi-totalité des ateliers, les bureaux et même des ingénieurs et des petits chefs qui se sentent eux aussi concernés par l'ampleur du plan. L'ambiance était chaude, et le directeur qui tentait de se justifier en a entendu des vertes et des pas mûres.
Lundi matin 17 janvier, nouveau débrayage : il s'agissait, outre de faire le compte rendu du CE, de décider de la suite. La direction ayant décidé de faire des réunions secteur par secteur, nous avons pris la décision de nous " inviter tous ensemble " à la première qui aurait lieu. Comme à 15 heures le jour même il y avait une réunion pour les techniciens et la maîtrise, les ateliers ont débarqué, ce qui a changé l'ambiance. Au bout d'une demi-heure, le directeur, au début plutôt arrogant, a quitté la salle sous les applaudissements !
Dans le groupe Alstom, c'est maintenant un peu partout que des plans de réductions d'effectifs et de licenciements sont en cours ou envisagés. Et justement le mois dernier Alstom a publié les chiffres du 1er semestre 1999 / 2000 : chiffre d'affaires en progression de 17 %, bénéfices de 2,06 milliards de francs, en progression de 87 % par rapport au 1er semestre 1998 / 1999.
Licencier, faire encore plus travailler ceux qui restent, pour que les actionnaires empochent le pactole, la politique de la direction, on la connaît. Mais nous sommes bien décidés à faire ce qu'il faut pour lui faire ravaler son plan, et qu'il finisse là où est sa place : à la poubelle !