Les patrons routiers ont eu l'oreille du gouvernement14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Les patrons routiers ont eu l'oreille du gouvernement

Il aura donc suffi que les patrons du transport routier bloquent les frontières moins de quarante-huit heures pour que le gouvernement leur offre sur un plateau une dérogation à la loi Aubry ainsi qu'un remboursement accéléré de la taxe sur les produits pétroliers.

C'était en effet pour protester contre le projet des 35 heures et la hausse du gazole que le patronat du transport s'était mis en branle le 10 janvier. Il faut d'ailleurs noter au passage que, contrairement à son habitude, le Medef n'avait pas accusé les grévistes de " prendre en otage " l'économie ni de porter atteinte à la liberté du travail. Ce genre de langage, le Medef le réserve aux seules grèves de salariés.

Ces patrons routiers qui avaient bloqué les frontières étaient de petits patrons " artisans " et vraisemblablement quelques salariés d'entreprises plus importantes, convaincus ou obligés d'être eux aussi en grève...

Mais bien qu'on ait parlé des " 35 heures ", ce n'était pas vraiment de cela qu'il s'agissait. Car le nombre d'heures effectuées légalement - et surtout illégalement - dépasse de beaucoup ce chiffre. Un routier belge, cité par Le Parisien déclarait : " Les 35 heures c'est impossible : vous commencez le dimanche soir et le mardi vous avez terminé ". Même si on admet une part d'exagération, cela en dit long sur les amplitudes réelles de travail dans la profession.

En fait les patrons du transport ne veulent pas de réduction du temps de travail et le moins de réglementation possible. D'autant qu'ils tiennent sans doute pour négligeables les avantages offerts au patronat par la loi Aubry en matière de flexibilité - tant il est vrai que dans le transport les salariés sont déjà souvent au maximum de la flexibilité.

Ils invoquent la concurrence européenne pour prétendre qu'ils ne pourront jamais survivre avec les (prétendues) 35 heures. L'Europe sert toujours de prétexte à un alignement vers le bas. Il n'est même pas venu à l'idée de ces petits patrons d'exiger au contraire que les normes françaises soient étendues au reste de l'Europe.

Bien sûr les patrons du transport sont des exploiteurs comme les autres. Mais ils ne sont pas seuls en cause dans cette affaire. Beaucoup sont de petits patrons, ou des artisans, coincés par les " donneurs d'ordre ", c'est-à-dire les entreprises dont ils dépendent, et qui cherchent systématiquement à obtenir les prix les plus bas (comme dans la sous-traitance en général, dans le nettoyage, etc.). Ces bas prix se répercutent sur les salariés, obligés à des horaires déments pour des salaires horaires bas.

Les grandes entreprises sont les principales bénéficiaires de cet état de fait : elles disposent ainsi de transports à prix bradés et économisent sur le stockage, car leurs stocks sont sur roues, dans les camions.

Quoiqu'il en soit, le gouvernement a bien vite donné en grande partie satisfaction aux patrons du transport puisque, en dérogation à la loi Aubry, l'horaire maximum mensuel de travail est porté à 220 heures, avec une durée hebdomadaire maximum de 56 heures pour les " grands routiers " et de 48 heures pour les autres. On est très loin des 35 heures !

Or la diminution du temps de travail est non seulement indispensable pour les salariés eux-mêmes mais aussi pour la sécurité routière en général. Et c'est à juste titre qu'ils menacent à leur tour de faire grève, pour contraindre les patrons à diminuer la durée du travail. Seulement, contrairement à leurs employeurs, les routiers salariés ne pourront compter ni sur le même empressement du gouvernement à résoudre les problèmes ni sur la complaisance du grand patronat. Ils ne pourront compter que sur leur mobilisation.

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