Venezuela : Quand une catastrophe naturelle engendre une catastrophe sociale24/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1641.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Venezuela : Quand une catastrophe naturelle engendre une catastrophe sociale

Mercredi 16 décembre, des pluies diluviennes se sont abattues sur le Venezuela, détruisant plus de 5 000 ranchos, les bidonvilles où sont logés 80 % des habitants les plus pauvres de la banlieue de la capitale Caracas. Le bilan provisoire, difficile à mesurer, fait état de 15 000 à 25 000 morts, 25 000 disparus, 20 000 blessés et 80 000 sinistrés.

La province de Vargas, à 50 kilomètres de la capitale, où se trouve son aéroport, est l'une des plus touchées, mais d'autres le sont également. Selon le maire du port de La Guaira, la zone côtière proche de Caracas, il y aurait au moins 25 000 disparus dans cette seule région. La ville, qui compte un million d'habitants, aurait été détruite à 50 %. La rupture d'un barrage, au sud de la capitale, a entraîné l'isolement de quelque 200 000 personnes.

" Nous ne sommes pas préparés pour affronter des désastres d'une telle ampleur ", a déclaré le chef d'Etat Hugo Chavez qui, fidèle à son style, s'est autoproclamé " premier secouriste ", en mobilisant l'armée et ouvrant les casernes pour accueillir les réfugiés.

Les pluies avaient commencé un mois auparavant mais elles sont devenues torrentielles les 16 et 17 décembre, transformant les ruelles en pente des bidonvilles construits à flanc de montagne en rivières en crue et donnant naissance à des torrents de boue. Certains reprochent à Chavez, obnubilé par sa campagne de réforme de la constitution, d'avoir négligé de prendre des mesures de prévention : par exemple déplacer une partie de la population des zones les plus exposées. C'est possible mais, même pour réaliser une telle opération, il aurait fallu des moyens que le Venezuela ne possède pas. Même s'il avait pu solliciter l'aide de puissances bien équipées.

Car ces phénomènes climatiques - pluies torrentielles, cyclones, raz-de-marée, tremblements de terre, etc. -, pour avoir des origines naturelles, entraînent des dégâts d'autant plus considérables qu'ils frappent des pays pauvres, qui manquent des infrastructures et des moyens de secours les plus élémentaires. On l'a vu, ces derniers temps, au Honduras ou en Turquie, et on le constate régulièrement dans la Caraïbe, au Bangladesh ou en Chine.

Car non seulement nombre de constructions ne sont pas prévues pour résister à de telles épreuves mais, plus les pays sont pauvres, plus les habitants des couches déshéritées vivent dans les zones les plus exposées aux intempéries climatiques, les seules où ils peuvent se loger dans des abris de fortune.

Ainsi, outre la faiblesse des moyens de secours disponibles (le Venezuela a reçu quelques aides du Mexique, de Cuba ou des Etats-Unis), les infrastructures les plus nécessaires à la vie sont détruites : les égouts débordent, il n'y a plus d'eau potable, téléphone et électricité sont coupés et la nourriture, dans un pays où elle est principalement importée, est devenue rare : l'armée et la police en sont à laisser faire les pillages de magasins d'alimentation ou d'entrepôts frigorifiques pour que la population ne crève pas de faim, tandis que plane la menace d'épidémies.

Et c'est pourquoi, dans des pays où, en temps normal, la population n'a guère accès à une eau de qualité et où certains survivent en triant des déchets dans les dépôts d'ordures, une catastrophe naturelle devient aussitôt une catastrophe sociale.

Partager