Saint-Domingue : Expulsion massive de travailleurs haïtiens24/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1641.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Saint-Domingue : Expulsion massive de travailleurs haïtiens

Qu'ils aient voulu fuir la misère ou les régimes dictatoriaux qui se sont succédé dans leur pays, des dizaines de milliers d'Haïtiens vivent aujourd'hui à Saint-Domingue, et pour certains depuis de nombreuses années. Or, depuis le début du mois de novembre, des milliers d'entre eux sont expulsés par les autorités dominicaines. Arrêtés dans les rues de Santo Domingo, Santiago ou dans les campagnes, ils sont transportés dans des conditions dégradantes vers la frontière pour être refoulés du côté haïtien.

Dans le dernier numéro de leur journal La Voix des Travailleurs, nos camarades de l'organisation haïtienne OTR analysent ces événements :

" On assiste donc à une nouvelle poussée de xénophobie contre les Haïtiens vivant à Saint-Domingue. Les nationalistes dominicains, les plus virulents dans la presse, utilisent la lutte contre la migration des travailleurs haïtiens comme thème de campagne dans la bataille avec les autres partis politiques de Saint-Domingue.

En effet, la campagne pour les élections présidentielles de mai 2000 est lancée et l'opposition nationaliste à l'actuel président Léonel Fernandez enfourche son cheval de bataille préféré. Dans le camp du parti de Balaguer, le Parti social chrétien, les positions sont aussi pour la déportation des Haïtiens, et dans le PRD de feu Pena Gomez, les positions ne sont guère différentes.

Le point de départ est un rapport de l'OEA qui demandait aux autorités de Saint-Domingue d'accorder la nationalité dominicaine à tous les enfants haïtiens nés sur le sol dominicain et la régularisation des Haïtiens sans papiers. C'est-à-dire d'appliquer le " droit du sol ", consacré d'ailleurs par la constitution dominicaine.

Le secrétaire aux Travaux publics, F. Pena, bras droit du président Fernandez dont il a financé la campagne et promoteur privé, s'est inquiété du refoulement des travailleurs haïtiens. Il a mis en garde Fernandez contre l'effet néfaste que cela aura sur la construction immobilière, pouvant même bloquer celle-ci, le temps de trouver des travailleurs dominicains acceptant les mêmes salaires de misère [...].

Sous des considérations légales, l'enjeu de cette affaire est donc sordidement économique : il s'agit de la possibilité pour les patrons dominicains de maintenir l'exploitation sur une masse de travailleurs se retrouvant en situation irrégulière.

La migration des Haïtiens vers Saint-Domingue a toujours été celle des pauvres, fuyant d'abord la dictature des Duvalier, puis celle des travailleurs en quête d'une vie meilleure de l'autre côté de la frontière [...]. Ces travailleurs se sont retrouvés parqués dans les bateys, travaillant dans les champs de canne à sucre dans des conditions proches de l'esclavage. Maintenant que les bateys sont en train d'être privatisés, il y a un transfert de cette main-d'oeuvre vers les zones franches et surtout vers la construction d'immeubles où ils sont embauchés aux plus bas salaires [...].

Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une "chasse à l'Haïtien en général" doublée d'un sentiment anti-haïtien, comme le rapporte la presse, mais d'une attaque contre les travailleurs haïtiens avant tout. Dans la foulée des expulsions, des pauvres dominicains - ne parlant que l'espagnol - ont été refoulés, mais on n'a jamais vu un Haïtien riche passer dans le lot, même par hasard. Or, Saint-Domingue est toujours considéré comme le refuge des barons du duvaliérisme : l'ex-général Namphy, Claude Romain et Cie y vivent à l'aise sans problème d'expulsion. Au contraire, ils y investissent l'argent volé pendant des années en Haïti et commercent avec leurs acolytes dominicains. Leur argent n'a donc pas de nationalité.

Par ailleurs, du côté dominicain, le gouvernement de même que l'opposition se servent des travailleurs haïtiens comme boucs émissaires pour justifier leur incapacité à résoudre la crise économique. Ils les rendent responsables de l'augmentation du chômage et montent les travailleurs dominicains contre eux. "

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