Russie : Faire la guerre pour gagner les élections24/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1641.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : Faire la guerre pour gagner les élections

A défaut d'avoir déjà pu prendre d'assaut, avant les élections, la capitale de la Tchétchénie, le parti du pouvoir russe a occupé en force la Douma, la Chambre basse du Parlement russe.

Tchétchénie et Douma, les deux étaient liées. Le seul programme du bloc électoral Unité, soutenu par le Premier ministre Poutine et Eltsine, c'était la guerre. La guerre aux Tchétchènes, désignés comme boucs émissaires de tous les maux que connaît la population, cela non seulement par le Kremlin, mais par la quasi-totalité des partis présentant des candidats députés.

Sur le terrain de la xénophobie et du nationalisme guerrier, commun à tous les partis, celui du pouvoir détenait un énorme avantage : ce sont ses chefs qui mettent en oeuvre une telle politique. Alors que les gouvernements successifs et les partis qui y ont tous participé étalent depuis des années leur incapacité à avoir prise sur les événements, Poutine et Unité sont apparus comme prenant le " problème " du " terrorisme " tchétchène à bras-le-corps. En tout cas, les médias à la botte d'Eltsine et la propagande officielle ont tout fait pour tenter d'en convaincre l'électorat. Pour cela, bien sûr, ils ont masqué le caractère ignoble de la guerre en cours, et plus encore les véritables raisons et responsables de la misère dans laquelle on a enfoncé la population russe depuis une dizaine d'années : le pillage du pays par la bureaucratie au pouvoir.

Dans une Russie livrée au chaos politique et au pillage par les " nouveaux riches " - en fait, l'ancienne bureaucratie du régime précédent -, la Douma ne compte guère. Sinon comme sinécure fort bien rétribuée, au regard des salaires misérables du reste de la population, et comme moyen d'obtenir une immunité judiciaire pour des politiciens affairistes que rien ne distingue des gangsters.

Pour le clan au pouvoir, l'échéance de cette élection était donc sans grande conséquence immédiate - bien que d'opposition depuis la fin de l'URSS, la majorité des députés n'a jamais pu ni réellement voulu contrecarrer le Kremlin. Elle représentait toutefois un enjeu à brève échéance car, dans six mois, se tiendra une élection présidentielle à laquelle Eltsine ne pourra pas se représenter et qui s'annonçait mal pour le clan eltsinien.

Mais la guerre, en faisant taire les critiques des chefs de la bureaucratie rivaux du clan au pouvoir, a permis à ce dernier de remporter les élections. Les scandales et turpitudes financières de grande échelle dans lesquelles Eltsine et ses affidés ont construit des fortunes colossales étaient occultés par la guerre, les médias n'en parlaient plus. En revanche, toujours aux ordres, la presse ne se priva pas de déballer des " affaires " pas plus ragoûtantes concernant les chefs de l'opposition officielle.

Compromis à leur tour, alignés sur le pouvoir dans cette sale guerre et affaiblis par les résultats des législatives, ils se trouvent désormais en moins bonne posture pour la présidentielle de juin prochain.

Pour en arriver là, pour éviter de risquer d'avoir à rendre des comptes, voire de devoir céder une partie de tout ce qu'il a volé, le Kremlin a choisi de déverser des tonnes de bombes sur la Tchétchénie. C'est toute la population de Russie - Tchétchènes, Russes et autres nationalités confondues - qui n'en finit pas de payer le prix fort, au propre comme au figuré, du maintien au pouvoir du régime russe actuel.

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