Russie : Et le PC russe ?24/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1641.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : Et le PC russe ?

Avec près de 25 %des suffrages aux législatives,le Parti Communiste de la Fédération de Russie (KPRF)reste le premier parti du pays même s'il risque de perdre la majorité relativedans la nouvelle Douma au profit de blocs électoraux liés ou ralliés au Kremlin.

Parmi les 26 blocs de ces élections, il n'y en a qu'un qui est vraiment un parti, le KPRF précisément. Lui seul regroupe de façon tant soit peu permanente, et dans tout le pays, une masse d'adhérents et sympathisants, sinon de militants, que l'on voit se mobiliser lors des campagnes électorales et manifester le 1er Mai et pour l'anniversaire de la Révolution de 1917.

Quand la presse d'ici ou de Russie rend compte de ces manifestations, elle affirme que le KPRF rassemble les " nostalgiques de l'URSS ". Et d'insister sur ce qu'il y aurait de passéiste dans cet attachement puisque des gens humbles, souvent âgés, y font nombre.

Mais comment ces retraités n'auraient-ils pas la nostalgie d'un temps pas si lointain où l'on pouvait vivre de sa pension ! En URSS, le niveau de vie de la population était peut-être moins élevé que dans les pays riches d'Occident, mais les retraités ne mouraient pas de faim. Et les travailleurs étaient payés, sans attendre des mois durant un salaire qui donne à peine de quoi se nourrir comme actuellement.

Ces petites gens regrettent-ils l'URSS ? Il est sûr, en tout cas, qu'ils savent ce qu'ils ont perdu avec sa disparition. Avant, on pouvait espérer vivre plus ou moins dignement de son travail, présent ou passé. C'est devenu impossible quand salaires et pensions ont perdu les trois quarts de leur pouvoir d'achat en dix ans. Du moins pour l'immense majorité de ceux qui ne sont pas les privilégiés du nouveau régime (d'ailleurs souvent les mêmes que dans l'ancien). Et c'est cela, la nature de ce régime, le caractère social des ressentiments à son égard parmi la population, que voudrait masquer l'épithète " nostalgique " qu'une partie de la presse accole au vote KPRF.

Ce parti bénéficie d'un vote " protestataire ", dit-elle. Sans doute, si l'on entend par là que ses électeurs protestent contre le sort qui leur est fait. Mais cette protestation et plus encore son caractère de classe, ce n'est pas sur le KPRF qu'il faut compter pour les traduire politiquement et socialement contre le régime. La direction du KPRF est bien trop liée à ce régime (elle compte 15 des 81 gouverneurs de région), à ce système (ses dirigeants ne sont pas moins que d'autres politiciens en cheville avec le " monde des affaires "). Et elle tient à ce que cela se sache.

Dans sa propagande électorale, elle avait ainsi gommé tout ce qui sonnait " communiste " ou " soviétique ", même à la façon dont les Staline et Brejnev dévoyaient ces mots, ayant depuis longtemps trahi les idéaux qu'ils désignent. Ziouganov, secrétaire général du KPRF, et ses pairs invoquaient une " victoire des patriotes ", tout en applaudissant les généraux massacrant en Tchétchénie. Jamais ils ne se sont adressés aux travailleurs en tant que tels. Non, c'est au cri de " Lève-toi, patrie immense ! " qu'ils battaient tambour. Et s'ils insistaient sur leur " amour du peuple russe ", en écho de leur promesse de destituer Eltsine pour " génocide contre le peuple russe " (après la première guerre de Tchétchénie car, depuis, ils se sont ralliés à la seconde), cela évoquait aussi les insanités antisémites d'un de leurs dirigeants, ce général Makachov que le KPRF a refusé de condamner.

Le KPRF bénéficie sans doute des voix de bien des petites gens et travailleurs victimes du régime. Mais pour changer son sort, le monde du travail ne peut en aucun cas compter sur un parti qui ne s'en revendique même pas et dont la politique, loin d'aider à la prise de conscience de la classe ouvrière, s'y oppose.

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