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Editorial
Russie : Élections, sur fond de massacres, de corruption et de misère
La Russie serait désormais une démocratie - pour preuve, les élections législatives qui viennent de s'y dérouler.
Oh, même les médias les mieux disposés doivent mettre un bémol. Une campagne électorale centrée sur les accusations - fondées - de corruption des chefs des partis, l'ivrognerie titubante d'Eltsine, les frasques et les détournements de sa famille, la main-mise sur la télévision d'oligarques enrichis dans le pillage du pays et ces truands notoires qui ont acheté des places sur les listes électorales, histoire de bénéficier de l'immunité parlementaire, tout ça fait mauvais genre.
Et surtout, pendant le vote, l'aviation écrasait la capitale tchétchène Grozny sous les bombes pour punir ce petit peuple du Caucase des visées séparatistes de certains de ses dirigeants. La guerre en Tchétchénie est même citée comme une des raisons de la montée électorale des hommes d'Eltsine et du Premier ministre. Elle témoigne surtout de la barbarie des dirigeants du Kremlin, de leur propagande chauvine et de leur habileté à choisir, jusqu'au jour des élections en tout cas, le bombardement comme méthode d'intervention, afin que le retour de cercueils de soldats russes ne provoque pas un retournement dans l'opinion. Il est vrai que les puissances occidentales leur ont donné l'exemple lors des bombardements de la Serbie et du Kosovo.
La population de Russie a désormais le droit de choisir ceux qui l'opprimeront et la dépouilleront les années à venir. Les élections passées, l'écrasante majorité retrouvera la même situation désastreuse qu'avant : un pays ruiné, une économie disloquée par le pillage de la caste dirigeante, des salaires dérisoires et souvent payés avec des mois de retard, pendant qu'une minorité de dignitaires politiques, d'affairistes et de maffieux, issus pour la plupart de la bureaucratie du temps de l'Union Soviétique, affiche un luxe et une insolence dignes du temps des tsars.
Lorsque, en 1917, les prolétaires russes ont renversé le tsarisme, c'était pourtant pour que ne puissent plus jamais revenir l'exploitation et la pourriture sociale qui va avec. Les travailleurs de Russie sont allés plus loin que ne l'avait jamais fait une classe exploitée. Ils ont exproprié les propriétaires fonciers, les capitalistes et pris en main la direction de l'économie. Ils ont entrepris une réorganisation radicale de la production, afin qu'elle ne soit plus destinée à fabriquer du profit pour une minorité d'exploiteurs mais soit planifiée pour satisfaire les besoins de tous, sous le contrôle démocratique des classes laborieuses.
Les dirigeants de cette révolution savaient que la Russie était trop pauvre pour que puissent y être réalisées la société égalitaire et l'économie rationnelle qu'ils projetaient. Ils comptaient sur l'extension de la révolution ouvrière vers l'Europe occidentale disposant de possibilités matérielles bien supérieures et d'une classe ouvrière plus nombreuse, plus cultivée. Mais malheureusement non seulement pour eux, mais pour toute l'humanité, ne leur sont venues de l'Occident que des armées d'invasion. Quant au prolétariat occidental, ses luttes, ses révolutions, notamment en Allemagne, ont été trahies par ses propres dirigeants sociaux-démocrates, avant d'être vaincues par les forces de répression de la bourgeoisie capitaliste.
C'est cela qui a engendré une bureaucratie privilégiée qui a longtemps opprimé les ouvriers en se prétendant communiste, avant de le faire au nom du capitalisme.
Lorsque les rivalités entre les chefs de la bureaucratie ont fait éclater l'Union Soviétique, les commentateurs étaient quasiunanimes pour annoncer, avec la fin du communisme, une nouvelle ère du capitalisme. Dix ans après, l'image que renvoit la Russie, est celle que lui envoient nos propres pays où, malgré les richesses accumulées et les profits colossaux, seule une minorité connaît un enrichissement monstrueux, la majorité laborieuse étant condamnée, au mieux, aux salaires qui stagnent, à des conditions de travail qui s'aggravent, au pire, à la précarité, au chômage, à la misère.
Dix ans après la fin de l'Union Soviétique ce dont, à son tour, la Russie elle-même témoigne, ce n'est certainement pas d'une ère nouvelle du capitalisme mais de la nécessité du communisme.