Russie : " démocratie " oblige...24/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1641.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : " démocratie " oblige...

Un bloc électoral, Unité, qui n'existait pas il y a trois mois, qui se revendique d'un Eltsine honni de la population, qui soutient un Premier ministre inconnu il y a peu, et qui apparaît grand vainqueur des dernières législatives en Russie, cela tient du " miracle "...

Pourtant, assurent les observateurs ouest-européens délégués sur place, tout se serait (presque) normalement déroulé durant la campagne et le scrutin. Il n'en faut pas plus à certains pour assurer que la démocratie règne en Russie. Mais que trouve-t-on dès que l'on gratte cette façade ?

Il y a d'abord la guerre, la censure, ou plutôt l'auto-censure que s'imposent les médias. Et ceux-ci n'ont pas ménagé leur soutien au pouvoir... dont ils dépendent. La directrice des programmes d'ORT, chaîne de télévision publique contrôlée par Berezovski, financier et éminence grise d'Eltsine, se trouvait sur la liste d'Unité. Le principal quotidien, Izvestia, a mené campagne pour Unité, comme d'autres, car les journaux ne tiennent que grâce aux dotations d'Etat.

Dans nombre de provinces, ces fonds publics ont été largement mis à contribution. En septembre, le Kremlin constitua Unité en rappelant à des gouverneurs de régions dépendant financièrement du centre où se trouvait leur intérêt. S'ils mettaient leur poids dans la balance électorale, ils auraient des subsides pour payer leurs fonctionnaires, pour arroser leur clientèle politique, pour financer leur propre campagne (car ici ou là, on réélisait les gouverneurs) et aussi pour prélever leur dîme au passage.

Ce chantage aux subventions a permis à des ténors politiques moscovites de se faire élire haut la main comme " indépendants " dans les circonscriptions les plus déshéritées et donc les plus sensibles à leurs " arguments " : Berezovski dans une république caucasienne reculée ; l'ex-Premier ministre Tchernomyrdine chez les Nénets (Esquimaux) de la presqu'île de Iamal ; Abramovitch, protégé d'Eltsine et président d'une compagnie pétrolière, en Tchoukotka (sur le détroit de Behring), symbole d'arriération pour les Russes...

D'autres clans que celui du Kremlin ont usé des mêmes méthodes là où leurs hommes tiennent une grande ville, un poste de gouverneur, l'exécutif d'une république fédérée. Et la carte des résultats semble presque épouser celle des fiefs bureaucratiques : ainsi, Unité réalise de mauvais scores à Moscou et Saint-Pétersbourg, villes des têtes de liste du bloc Loujkov-Primakov, tandis qu'au Tatarstan ou en république bachkire, les candidats soutenus par le pouvoir local obtiennent des scores " brejnéviens ".

Chantage à la pauvreté ici, dictature du centre là, rôle partout des appareils qui, même dans leurs habits neufs de " démocrates ", fonctionnent comme par le passé... Qu'est-ce qui a changé ?

Les électeurs n'ont plus, comme avant, à voter pour un candidat unique : il y avait 26 blocs en présence et des milliers de candidats dits " indépendants ", mais aucun ne représentait, même de loin, les intérêts de la population travailleuse.

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