Bons baisers d'Eltsine meilleurs voeux de Clinton24/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1641.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Bons baisers d'Eltsine meilleurs voeux de Clinton

On a voté en Russie. Ce ne sont pas les candidats qui manquaient. Mais ce n'était pas la démocratie qui était au rendez-vous, moins que jamais. C'était les bombes. Les bombes sur Grozny, enveloppées dans de sales petits bulletins de vote anti-tchétchènes, pour faire oublier au peuple russe la misère, la corruption, les mafias, l'enrichissement éhonté de la nouvelle bourgeoisie. La vieille recette, en Russie comme ici, du dérivatif xénophobe, raciste, belliciste, pour faire oublier les crimes et l'indignité de ceux qui détiennent le pouvoir et la richesse. Au printemps dernier Clinton, Jospin, Chirac et les autres, la main sur le coeur et l'humanitaire en bandoulière, bombardaient la Serbie tout en sauvant la mise à Milosevic, tout en laissant perpétrer l'épuration ethnique. Ah, le bel exemple des démocraties occidentales ! Aujourd'hui Eltsine n'a pas de raison de se gêner. A chacun ses bombardements et chacun chez soi. Que les peuples agonisent, et vive l'an 2000 !

Le passage au nouveau millénaire coïncidera donc avec la destruction de Grozny, la capitale de la Tchétchénie, qui comptait des centaines de milliers d'habitants. Les bombardements ont été massifs ces derniers jours, Grozny est en passe d'être complètement rasée. Les grandes puissances ne condamnent ce massacre que du bout des lèvres, ou donnent raison à Eltsine de régler ce qu'elles nomment une " affaire intérieure ". Aux peuples révoltés, salut !

Du côté russe, ce sont des milliers de très jeunes soldats qui trouvent la mort dans cette guerre, même si le commandement russe nie farouchement ces chiffres à des fins de propagande. Pour Eltsine et son clan, cette guerre est un moyen de ressusciter leur crédit politique agonisant au moment du renouvellement du parlement russe, avant les prochaines élections présidentielles. Les grandes puissances font savoir qu'elles approuvent ce " tournant ", car il s'agirait des premières élections " vraiment démocratiques " en Russie, où le parti élu ne le serait pas avec 90 % des voix, mais avec 25 % ! Pourtant, il n'y a là rien de bien enthousiasmant pour la population : tous les partis, même les néo-communistes comme Ziouganov, défendent le capitalisme, l'enrichissement d'une minorité de nouveaux riches dont ils font partie, et sont mouillés dans toutes les malversations. Ils ont tous plus ou moins été au pouvoir et le résultat de leur politique, c'est que les riches sont toujours plus riches, et les pauvres plus pauvres, les salaires et les retraites impayés. Partis politiques, mafias, nouveaux capitalistes fringants comme Berezovsky, ancien ministre contrôlant Gazprom, une des plus grosses entreprises du pays, tous sont étroitement liés.

La population n'est pas dupe. Certains, que la misère actuelle incite à embellir le passé, disent qu'à l'époque de Staline, " on vivait mieux "... Le petit-fils de Staline se présente aux élections sur ce créneau. C'est bien sûr absurde. Sous Staline, c'était aussi la prison des peuples, c'était le goulag, et c'était aussi l'enrichissement d'une minorité de privilégiés, les bureaucrates du régime, qui n'aspiraient qu'à devenir des bourgeois, sur le dos de la classe ouvrière.

S'il y a une " nostalgie " à avoir, ici comme en Russie, c'est plus loin qu'il faut remonter, à l'époque de la révolution de 1917, à la fin de la première guerre mondiale, où des millions de Russes se sont révoltés contre la guerre, contre l'exploitation et la misère, contre l'oppression des peuples, en appelant les peuples des pays riches à les rejoindre. Il s'en est alors fallu de peu pour que la révolution russe entraîne dans son sillage la révolution dans les citadelles impérialistes les plus riches.

Il n'y a rien à attendre des boutefeux xénophobes et racistes de tous bords, qui arrangent si bien les affaires des grands de ce monde. En ce troisième millénaire, l'espoir ne peut venir que de la coalition des exploités et des opprimés de tous les pays contre leurs oppresseurs. Des perspectives internationalistes.

Editorial des bulletins d'entreprise L'Etincelle du lundi 20 décembre 1999, publiés par la Fraction.

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