Peut-il y avoir une suite au 11 décembre ?17/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1640.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Peut-il y avoir une suite au 11 décembre ?

Le 11 décembre, l'extrême-gauche et le Parti Communiste ont à nouveau manifesté ensemble, dans nombre de villes du pays, et ils l'ont fait, à Paris, avec les associations de chômeurs, AC !, le MNCP et l'APEIS.

Comme le 16 octobre, les manifestations du 11 décembre ont essentiellement rassemblé des militants. Mais si la journée du 16 octobre a été de ce point de vue un succès par le nombre, le 11 décembre les rangs des manifestants étaient autrement plus clairsemés et ils étaient en totalité bien moins nombreux, surtout dans les cortèges du PCF. Au point que Le Monde du 14-12 peut noter, non sans perfidie : " L'un des aspects notables de cette manifestation (à Paris) a été la mobilisation opérée par Lutte Ouvrière, dont les militants étaient plus nombreux que ceux du PCF ". Autant dire que l'aspect le plus notable, c'est que le PCF n'a guère mobilisé !

Pour le PCF, l'enjeu du 16 octobre était de rappeler au Parti Socialiste son utilité et son poids, de montrer que dans la majorité plurielle les Verts n'avaient pas le monopole de la contestation et ne sauraient en conséquence être les seuls à capitaliser certains des mécontentements de l'électorat de gauche à l'égard du gouvernement Jospin. La direction du PCF et Robert Hue voulaient aussi répondre au mécontentement d'une partie de leurs militants et sympathisants, de cette fraction de l'électorat traditionnel du PCF qui aux dernières élections européennes avait prouvé qu'elle pouvait être tentée par la politique de l'extrême-gauche et l'avait même marqué en votant pour les listes LO-LCR. L'objectif était aussi de ressouder les militants et sympathisants autour de la direction du parti en montrant que celui-ci pouvait avoir un pied dans le gouvernement, c'est-à-dire voter ou laisser passer ses mesures anti-ouvrières, tout en étant en même temps " dans le mouvement populaire ".

C'est dans ce but et avec ces motivations que Robert Hue avait proposé aux organisations d'extrême-gauche, LO et la LCR, notoirement connues pour leur hostilité au gouvernement de la gauche plurielle, d'organiser ensemble la manifestation du 16 octobre. Il ne s'agissait pas, évidemment, dans l'esprit de la direction du PCF, de préparer un plan de mobilisation pour les travailleurs ni de leur donner des perspectives pour des luttes. Mais de faire une démonstration politique pour son propre compte... et préparer au mieux le 30e congrès, qui s'ouvre en mars 2000.

Cette démonstration il a réussi à la faire. Il a même en prime évité que la manifestation prenne un caractère antigouvernemental. Ce dont le Parti Socialiste n'a pas manqué après coup de l'en féliciter, voulant y voir un effet positif et un renfort pour l'ensemble de la gauche plurielle.

La fonction et l'importance de la journée du 11 décembre, n'était alors déjà plus pour le PCF la même que le 16 octobre. Sa direction a sans doute accepté d'appeler à cette nouvelle journée d'action, parce qu'elle ne pouvait faire autrement si elle ne voulait pas se dédire, après avoir proclamé que le 16 octobre ne resterait pas sans lendemain.

Il était juste, redisons-le, qu'en dépit des calculs politiciens de la direction du PCF, les organisations d'extrême-gauche vérifient s'il était possible de faire de ces initiatives des pas vers une mobilisation d'ensemble des travailleurs contre le chômage. D'autant qu'elles n'avaient pas par ailleurs en la circonstance, la force d'appeler seules à des actions à l'échelle nationale.

La masse des travailleurs n'a pas jugé bon de se saisir de ce qui aurait pu être des occasions. Mais au moment où des mouvements de grève autour des problèmes de l'emploi, de l'application de la loi Aubry, des salaires, se multiplient dans ce pays, force est de constater que si la classe ouvrière n'a pas répondu présent aux initiatives du PCF et de l'extrême-gauche à sa suite, ce n'est pas parce qu'elle refuse de se battre.

Reste que la nécessité d'un mouvement d'ensemble de la classe ouvrière, pour imposer au patronat des mesures d'urgences contre le chômage, demeure. Reste que les militants de la classe ouvrière, qu'ils soient d'extrême-gauche, du PCF ou même d'autres partis actuellement au gouvernement, ou simples syndicalistes, peuvent et doivent oeuvrer à créer les conditions d'une lutte généralisée de tous les travailleurs de ce pays.

Ces deux récentes journées d'action à l'initiative du PCF ont montré leurs limites, mais la généralisation des luttes pourrait aussi se faire par d'autres moyens : à partir des mouvements en cours. On voit comment les travailleurs d'un hôpital, lorsqu'ils se mettent en grève, peuvent aller semer la contagion dans les établissements voisins ; ou ceux d'un bureau de poste ou d'un centre de télécom ; ou ceux d'une usine ou d'un chantier. Les militants présents dans ces entreprises ou dans ces services publics qu'ils soient d'extrême-gauche, du PCF, voire électeurs du Parti Socialiste, ou syndicalistes peuvent mettre ensemble leur poids pour tenter de relier et d'étendre ces luttes, et tout faire pour les généraliser.

Cette politique est la suite logique de ce que LO et la LCR ont défendu ensemble lors des élections européennes, mais qu'aucune élection n'aura le pouvoir de réaliser. Elle peut et doit être celle de toute l'extrême-gauche. Et nous devons la proposer à tous les militants de la classe ouvrière ainsi qu'à leurs directions, quand celles-ci disent agir au nom de l'intérêt des travailleurs et vouloir s'opposer aujourd'hui au chômage et à ses conséquences.

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