- Accueil
- Lutte ouvrière n°1640
- Le travail, c'est pas la santé
Leur société
Le travail, c'est pas la santé
" Dans un nombre considérable de petites entreprises, la notion d'heures chronométrées paraît ubuesque. Nous ne sommes plus en 1936. Charlie Chaplin ne pourrait plus filmer Les temps modernes ". C'est ce qu'a osé affirmer le baron Seillière, patron du MEDEF dans sa tribune du Monde.
Finis le travail à la chaîne, le chronométrage des tâches et les atteintes à la santé qui en découlent ?
Le magazine Liaisons sociales, dans son numéro de décembre, explique le contraire. Un dossier intitulé La santé des salariés menacée indique que le nombre de maladies professionnelles reconnues par la Sécu a doublé en cinq ans. Les accidents du travail repartent aussi à la hausse et cela malgré les pressions pour dissuader les salariés de les déclarer : 1,3 million d'accidents du travail en 1996, soit plus d'un accident toutes les demi-heures.
Parmi les causes, le magazine cite en particulier l'intensification du travail. Les tâches répétitives se développent partout, non seulement dans l'industrie mais dans les services. " Loin de se résorber, le travail à la chaîne poursuit sa progression dans l'industrie : en 1998, il concerne 15 % d'ouvriers qualifiés, soit deux fois plus qu'en 1984, et 30 % d'ouvriers non qualifiés au lieu de 20 %. ". De plus en plus de salariés déclarent cumuler plusieurs types d'efforts physiques : postures pénibles, déplacements à pieds, longs ou fréquents, et port de charges lourdes sont le plus souvent cités. Conséquence : les troubles musculo-squelettiques (tendinites, maux de dos etc.), qui forment la majorité des maladies professionnelles, ont été multipliés par cinq en 6 ans. Ils touchent non seulement des vieux travailleurs, mais de plus en plus de jeunes sans ancienneté. Une étude cite le fait que les troubles du sommeil sont en progression chez les salariés, en particulier ceux qui travaillent en horaires décalés (très matinaux, tardifs ou nocturnes). A 57 ans, les troubles aggravés touchent environ 30 % des hommes et 40 % des femmes, actuellement ou anciennement en horaires décalés.
Parmi les autres raisons de la dégradation de la santé des salariés, il y a le développement de l'intérim et de la sous-traitance.... Les intérimaires sont deux fois plus accidentés et même deux fois plus gravement que les autres salariés. Ils font souvent les travaux les plus pénibles et les plus dangereux, sans la protection et la formation adaptées. Pour les même raisons, le secteur de la sous-traitance connaît un nombre d'accidents largement supérieur à celui du bâtiment, pourtant réputé à risque. En 1994, par exemple, dans l'industrie nucléaire, les salariés des entreprises sous-traitantes recevaient 80 à 85 % des rayonnements ionisants supportés par tous les personnels intervenant dans les centrales. Bien souvent le passage d'activités à la sous-traitance aboutit entre autres à diluer ou supprimer les responsabilités des entreprises donneuses d'ordres, en matière de sécurité. Ainsi, un médecin du travail cite qu'en Loire- Atlantique Aerospatiale a externalisé la maintenance du traitement de surfaces en bain d'acides. " Leurs salariés n'étant plus exposés au risque de projection d'acides, l'infirmerie n'était même plus équipée de l'antidote nécessaire en cas d'accident ".
Bref, le travail, surtout pour les profits des capitalistes, ce n'est pas la santé. Cet article le rappelle, même aux patrons qui, comme Seillière, oublient la provenance de leurs plus-values. Les Temps Modernes sont toujours d'actualité...