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Leur société
Fuel lourd et marée des profits
Le naufrage du pétrolier Erika au large de la Bretagne fait se poser quelques questions. Tout d'abord pourquoi ce navire a-t-il pu se casser en deux, tout seul, sans collision ni écueil, lors d'une tempête, sévère certes, mais pas plus terrible que beaucoup d'autres ? En principe un pétrolier moderne est tout de même prévu pour résister à ce genre de mer déchaînée. L'Erika avait vingt-cinq ans, ce qui commence à faire vieux pour un tel navire, mais avait obtenu des avis favorables après plusieurs inspections récentes. Seulement les inspecteurs ne vont pas sous la coque pour voir si celle-ci est mangée par la rouille... Ils examinent surtout les papiers du navires montrant que tout est en règle, ou... masquant les problèmes.
Deuxième question : que faisait-il là ? On comprend que des pétroliers apportent du pétrole brut du Proche-Orient jusqu'en Europe, ce qui fait courir déjà pas mal de risques de pollution. Mais en l'occurrence l'Erika transportait du fuel lourd - un hydrocarbure déjà raffiné donc - de Dunkerque à la raffinerie de Milazzo, en Sicile. Une transaction commerciale a entraîné le déplacement d'une trentaine de milliers de tonnes de fuel lourd de l'Europe du Nord jusqu'à l'Italie, en contournant la France et l'Espagne. Un risque a priori inutile car les raffineries ne manquent pas en Italie, risque " justifié " uniquement par des raisons de profits, ce qui n'a d'ailleurs rien d'exceptionnel.
L'affrêteur de la cargaison est le géant Total-Fina, qui ne manque pas d'argent, comme l'ont d'ailleurs rappelé les récents démêlés de leur fusion. Eh bien, cet énorme trust a donc affrété un vieux rafiot immatriculé à Malte, typique pavillon de complaisance, sur lequel, comme l'a montré la télévision, se trouvait un équipage entièrement indien, ce qui ne veut pas dire qu'il n'était pas qualifié, mais ce qui signifie, en revanche, qu'il était payé au lance-pierres. Selon Ouest France, à la suite du naufrage, les membres d'équipage " ont reçu la visite du représentant de l'armateur. Des consignes de silence ont été imposées aux marins ". Et l'Erika " était géré (...) par une société intermédiaire entre le propriétaire de la cargaison (...) et la société de recrutement des équipages ".
Pas de véritable armateur donc, mais une société qui achète un navire, embauche un commandant et recrute un équipage, le tout au meilleur prix.
Bien sûr on ne connaît pas encore tout des circonstances du naufrage, loin de là, mais il apparaît de plus en plus que l'océan n'est pas seul en cause. Les capitalistes ont pris des risques (ce qu'ils font couramment) et ce sera à la collectivité de se dépêtrer comme elle pourra - et à payer - si la marée noire arrive jusqu'aux côtes.