Corse : L'ouverture de Jospin aux nationalistes17/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1640.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Corse : L'ouverture de Jospin aux nationalistes

Flanqué de cinq ministres représentant toutes les composantes de la majorité plurielle, Jospin a reçu à Matignon lundi 13 décembre vingt-sept élus de la Corse, parmi lesquels deux représentants de Corsica Nazione, mouvement nationaliste proche de A Conculta et du FLNC Canal historique.

Officiellement, il s'agissait d'engager des discussions avec les représentants des partis et des institutions sur l'avenir de l'île.

De cette grand-messe, il n'est évidemment pas sorti grand-chose, si ce n'est la promesse d'une nouvelle rencontre d'ici trois mois. Cela étant, elle traduit des ouvertures politiques. A commencer par celle du gouvernement qui, il y a quelques semaines encore, faisait de la condamnation de la violence un préalable à toute discussion. En associant les porte-parole de Corsica Nazione à ces consultations et en leur laissant entrevoir une réforme du statut de l'île qui donnerait encore plus de liberté aux élus quant à l'utilisation de la manne gouvernementale, Jospin espère sans doute ramener la fraction la plus importante - du moins sur le plan électoral - des nationalistes corses dans le jeu traditionnel des partis, voire s'en faire un allié pour les prochaines élections municipales. De fait, le FLNC Canal historique a laissé entendre qu'il pourrait suspendre ses attentats durant toute la durée de ces négociations.

Reste que cette mouvance n'est pas la seule à savoir manier les explosifs, et les attentats perpétrés contre des bâtiments publics au moment même où s'ouvrait la réunion de Matignon montrent les limites de cette politique.

En fait, après chaque vague d'attentats, on voit le petit monde politique s'agiter, dire qu'il y a un problème corse et qu'il faudrait faire quelque chose pour le résoudre. Jospin ne faillit pas à la tradition ; il y a trois mois, il s'est rendu sur l'île et, aujourd'hui, il réunit les élus. Mais de tout cela, il ne sortira pas grand-chose, sauf peut-être quelques réformes institutionnelles, quelques subventions supplémentaires pour les entreprises, quelques changements dans le paysage politique. Bref, cela changera la vie de quelques-uns, mais pas celle de la majorité de la population, victime d'ailleurs de la même politique que partout en France. Ainsi les travailleurs du tri postal d'Ajaccio sont en grève depuis plusieurs semaines pour réclamer des effectifs. Mais ne serait-ce pas justement l'occasion pour l'Etat de créer dans l'île des emplois utiles ?

Car qu'est-ce en fait que ce " problème " corse ? Sans doute, il y a en Corse plus qu'ailleurs des groupes qui manipulent les explosifs, mais ils le font aussi dans un contexte de dégradation sociale et de chômage qui donne à une partie de la population le sentiment d'être oubliée par l'Etat. Les groupes nationalistes, voire terroristes s'appuient sur ce sentiment pour trouver des sympathies, un soutien électoral et des complicités, et même si Jospin parvenait à instaurer une collaboration avec certains groupes nationalistes, il est probable qu'il en restera d'autres pour les contester, y compris par des attentats.

Alors le " malaise corse " ne risque pas plus d'être résolu par les initiatives politiciennes de Jospin que par celles de ses prédécesseurs. Mais au fond, cela est-il si spécifique à la Corse ? Bien des régions du pays, bien des banlieues défavorisées, bien des départements déshérités de l'Hexagone sont confrontés à des difficultés analogues, à une dégradation sociale qui, si elle ne débouche pas sur des actes terroristes, débouche sur d'autres symptômes qui, au fond, sont parfois pires.

Ce n'est pas seulement au " problème corse " mais à tout cela que le gouvernement Jospin est bien incapable d'apporter une solution, faute d'une véritable volonté de s'attaquer aux causes et aux vrais responsables de la situation.

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