Les restos du coeur et cette " enfoirée " de société10/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1639.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Les restos du coeur et cette " enfoirée " de société

Comme chaque année depuis quinze ans, les Restos du Coeur viennent de lancer une nouvelle campagne nationale pour offrir un repas chaud aux plus démunis. Lorsqu'en 1985 Coluche lança son association, il ne s'attendait certainement pas à devoir servir neuf millions de repas. Il ne pensait surtout pas que les Restos du Coeur seraient encore là à l'aube du nouveau millénaire. Eh bien, cette année, non seulement son association est toujours là, mais c'est plus de soixante millions de repas qui vont être servis, soit près de sept fois plus.

C'est dire combien la misère et la détresse ont augmenté. Pour les seuls Restos du Coeur ce sont 650 000 personnes qui, après inscription et vérification de leurs revenus (moins de 5 000 F), vont se retrouver dans les files d'attente et tendre la main pour avoir un repas. Quarante mille bénévoles vont donner de leur temps et de leur travail pour les accueillir, pour panser quelque peu les plaies de ce monde malade, de cette " enfoirée " de société capitaliste qui crée sans compter des chômeurs et des démunis.

Mais les chômeurs, les démunis, les pauvres, les enfants mal nourris ne sortent pas de nulle part. Ils sont en quelque sorte planifiés par les suppressions de postes, les plans sociaux et les restrictions budgétaires. Ils sont fabriqués par les responsables de cette société profondément inégalitaire, à commencer par les patrons licencieurs.

Combien de salariés ont-ils été licenciés par de grandes entreprises ces quinze dernières années, depuis qu'existent les Restos du Coeur ? Et ces mêmes entreprises licencient tout en maintenant leur production, par l'intensification du travail pour ceux qui restent, tout en augmentant leurs bénéfices. Dans quelques semaines d'ailleurs, on nous présentera une Bourse en fête tandis que bien des victimes de la croissance des profits n'auront droit, eux, qu'à un bol de soupe.

Et il y a bien évidemment un lien entre ces deux pôles : la richesse d'un côté, la misère de l'autre. Ces gains, cet argent, sont pris dans la poche des travailleurs, par la diminution des salaires, par l'appauvrissement d'une énorme partie du monde du travail condamnée au chômage total ou partiel. Aujourd'hui, sept millions de travailleurs sont dans l'un de ces cas.

Mais que dire aussi de ceux qui nous gouvernent et tolèrent cette situation ? Pour tous les gouvernements qui se succèdent, nourrir ou soigner les démunis n'entre pas dans leurs attributions, ou si peu. Pour eux, même les services publics doivent être rentables. La générosité publique remplace bien souvent l'Etat dans nombre de domaines : la recherche médicale, les Restos du Coeur, l'aide aux handicapés... La liste serait longue si on voulait citer toutes les associations qui doivent faire appel au dévouement et à la charité publique.

Alors, cette situation n'a que trop duré et il faudra bien qu'un jour ou l'autre on ne se contente plus de faire ou de demander la charité, mais que l'on s'en prenne à ceux qui profitent ou protègent cette société révoltante où la richesse des uns aggrave la misère des autres.

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