Croissance de l'économie... et des illusions10/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1639.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Croissance de l'économie... et des illusions

" Conjoncture économique exceptionnelle ", " record de croissance ", " baisse du chômage ", voilà en ce moment le leitmotiv des médias. C'est tout juste si l'on ne nous dit pas que la crise n'est plus qu'un mauvais souvenir.

Sans doute, certains secteurs connaissent une activité plus importante que par le passé. C'est en particulier le cas du secteur informatique et électronique, dont les gadgets multiples, allant des ordinateurs aux téléphones portables, se vendent apparemment bien. Il y aurait aussi l'automobile, qui verrait ses ventes augmenter, le bâtiment, etc. Il n'en faut pas plus à tous les laudateurs du système pour évoquer déjà la prospérité enfin retrouvée.

Dans ce système capitaliste complètement irrationnel, on ne peut pas vraiment savoir comment les choses vont évoluer, et les " experts " ne le savent pas plus que les autres. Et, " prospérité " ou pas, si le chômage est en baisse, c'est surtout dans les chiffres, que les gouvernements parviennent à diminuer à coups de manipulations grossières.

En fait les plans de licenciements continuent à se succéder un peu partout dans tous les pays riches. En France, selon les estimations, le nombre réel de chômeurs reste de l'ordre de 4,5 millions. Quant aux emplois créés, ce sont avant tout des emplois précaires, en intérim ou en contrats à durée déterminée, ou des emplois à temps partiel, sous-payés. Il y a ainsi 3,2 millions de salariés qui travaillent pour un salaire inférieur au SMIC. Pour ceux qui ont un emploi stable, ce sont les conditions de travail qui empirent : flexibilité, annualisation et baisse des rémunérations.

Dans une telle situation, il est clair que la dégradation générale des conditions d'existence de la majorité de la population ne peut que continuer. Alors, quoi qu'en disent les spécialistes qui sont surtout ceux de la méthode Coué, un tel contexte ne paraît pas favorable à un redémarrage durable de l'économie.

Des reprises momentanées, il y en a eu tout au long des 25 années de ce que depuis 1973 on appelle la crise. A chaque fois, on nous a chanté les mêmes refrains sur le mode " ça y est, cette fois c'est reparti ". Début septembre 1987 par exemple, voici ce que pouvait écrire un éditorialiste du journal Le Monde : " L'Amérique n'a probablement pas connu depuis de nombreuses années une prospérité aussi grande. Démentant tous les pronostics, les consommateurs achètent, et achètent beaucoup, les entreprises font des profits confortables, parfois énormes, l'inflation qui relevait la tête pendant les premiers mois de l'année s'est calmée, et surtout on est en train de redécouvrir un phénomène que l'on croyait disparu pour longtemps encore : il est de nouveau question d'une pénurie de main-d'oeuvre. " C'était deux mois avant qu'un krach brutal fasse chuter toutes les Bourses du monde, provoque " l'évaporation " de plus de 2 000 milliards de dollars, et entraîne une nouvelle période de marasme.

En ce moment, c'est l'euphorie sur toutes les Bourses. A Paris, le fameux CAC 40 (qui regroupe les cotations des actions d'une quarantaine de sociétés importantes cotées à Paris) bat tous les jours des records historiques. Les entreprises elles aussi annoncent bénéfices sur bénéfices (en même temps, la plupart du temps, qu'elles annoncent des plans de licenciements). De ce point de vue, la prospérité retrouvée, c'est bien celle de ces financiers, qui ne l'ont d'ailleurs jamais perdue. Mais cela se fait au prix de l'appauvrissement de tout le reste de la société. Et si, demain, cette frénésie spéculative se termine par un nouveau krach aux conséquences totalement imprévisibles, c'est encore vers les populations qu'ils se tourneront pour leur faire payer l'addition.

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