À quand le droit de vote pour tous les travailleurs ?03/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1638.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

À quand le droit de vote pour tous les travailleurs ?

La question du droit de vote aux élections municipales pour l'ensemble des étrangers vivant en France vient d'être relancée. Pour l'instant, seuls ceux de l'Union européenne le possèdent. A droite, le porte-parole de l'UDF, Gilles de Robien, s'est prononcé en sa faveur. A gauche, Laurent Fabius s'y est déclaré favorable après cinq ans de résidence.Chevènement a, de son côté, dit que cela était " envisageable ". Le PS, par la bouche de François Hollande, courageux mais pas téméraire, envisage l'entrée en vigeur de cette mesure... pour 2007. Seul le Parti Communiste a déposé une proposition de loi dans le sens de ce projet, dont rien ne dit qu'elle sera examinée et encore moins votée.

Tout cela n'a rien de bien nouveau. Depuis bien longtemps les hommes politiques débattent à ce sujet sans que rien ne change.En 1981, ce droit de vote aux élections locales pour les étrangers résidant en France faisait partie du programme d'un certain François Mitterrand. Ni son élection, ni celle d'une majorité de députés socialistes ne l'ont fait avancer d'un pouce. L'idée fut rapidement évacuée sous prétexte que, selon Mitterrand, " l'opinion n'était pas au rendez-vous ". Dans ce domaine, les calculs électoraux pèsent en effet beaucoup plus lourd que les grands principes. Le premier souci des hommes politiques au pouvoir, de gauche comme de droite, a toujours été de savoir si le fait d'accorder le droit de vote aux étrangers leur ferait gagner plus de voix du côté de ces nouveaux électeurs qu'ils n'en perdraient du côté de l'électorat xénophobe. Peut-être leurs calculs s'inversent-ils aujourd'hui... Après tout, une majorité de la population se déclare favorable à cette réforme, et certains pays européens l'ont déjà réalisée, comme les Pays-Bas, l'Irlande, ou les pays scandinaves.En fait il s'agit encore une fois d'un de ces débats sans conséquences dont sont friands la gauche comme la droite. Cela fait un peu de bruit, cela donne l'impression qu'ils se préparent à faire évoluer les moeurs, et ensuite on n'en parle plus.

Pourtant, le droit de vote pour tous les étrangers résidant en France, et pas seulement aux élections locales, serait la moindre des choses. Rien ne justifie qu'ils soient réduits au silence quand il s'agit de s'exprimer sur la politique des uns et des autres.Par exemple, au niveau municipal, en ce qui concerne le logement ou les services sociaux. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, les socialistes au pouvoir sont d'ailleurs bien en régression par rapport aux révolutionnaires de 1793 qui, il y a deux cents ans, déclaraient dans leur Constitution donner le droit de vote " à tout étranger de 21 ans accomplis, qui, domicilié en France depuis des années, y vit de son travail ". Cette privation du droit de vote pour deux millions de personnes venues d'autres pays diminue d'autant le poids électoral de la classe ouvrière, dont ces étrangers sont une des composantes pour leur immense majorité.

Certes, le droit de vote, en soi, ne peut guère changer le sort de la population laborieuse. La partie du monde du travail qui possède ce droit en fait périodiquement l'amère expérience. Ce n'est certainement pas le droit de vote qui garantira les travailleurs immigrés contre le racisme ou l'attitude discriminatoire de la police, de la justice ou des patrons.Le fait d'avoir la nationalité française n'en protègent d'ailleurs pas les jeunes issus de l'immigration. Ceux qui mettent en oeuvre la politique antiouvrière des gouvernements successifs ne sont de toute façon pas élus, et les patrons qui pèsent sur les choix de tous les gouvernements n'ont de compte à rendre à aucun électeur, quelle que soit sa nationalité.

Avec l'ensemble des travailleurs, c'est dans les luttes, et pas dans les isoloirs, qu'ils pourront vraiment améliorer leur sort.Mais le droit de vote, à toute les élections, est un droit élémentaire que les nantis se sont longtemps réservé pour eux-mêmes.Il n'y a aucune raison qu'on continue encore aujourd'hui à en priver deux millions d'hommes et de femmes, sous prétexte qu'ils sont venus d'autres pays !

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