Il y a vingt-cinq ans, le vote de la loi Veil : La lutte des femmes a contraint à reconnaître le droit à l'avortement03/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1638.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il y a vingt-cinq ans, le vote de la loi Veil : La lutte des femmes a contraint à reconnaître le droit à l'avortement

Il y a vingt-cinq ans, le 29 novembre 1974, était adopté à l'Assemblée nationale le projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse. Cela mettait fin à l'odieuse loi de 1920 qui jugeait l'avortement comme un crime et dont les principales dispositions étaient toujours en vigueur.

Ce fut Simone Veil, alors ministre de la Santé de Giscard d'Estaing, qui proposa à la clique d'hommes réactionnaires et bigots qui composaient la majorité du Parlement, un projet où il était question de la liberté de la femme. Mais si une scène aussi étonnante pouvait se produire, ce n'était pas parce que ces messieurs du gouvernement se souciaient soudain de la situation des femmes, eux qui avaient attendu 1967 pour adopter une loi autorisant la contraception tout en limitant strictement la publicité anticonceptionnelle. Ils avaient dû reculer devant le combat d'un certain nombre de femmes déterminées, soutenues par la sympathie d'un plus grand nombre encore, et aidées par quelques médecins courageux.

En 1971, 343 femmes appartenant pour la plupart au monde de la littérature ou du spectacle avaient signé un manifeste dans lequel elles reconnaissaient avoir avorté. Le scandale, voulu par les signataires, permettait que la répression de l'avortement soit portée sur la place publique ; quelques mois après, ce furent 300 médecins qui affirmèrent être passés outre à la loi de 1920. Peu après, Gisèle Halimi fondait " Choisir ", dont le but était de dénoncer la loi répressive de 1920 et d'obtenir une législation libérale en matière d'avortement et de contraception.

Mais le premier recul des autorités fut consécutif au procès de Bobigny, en octobre 1972 : une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire, était jugée pour avortement, ainsi que sa mère et les collègues de celle-ci. Gisèle Halimi assura la défense des accusées. Marie-Claire bénéficia d'un non-lieu... et sa mère fut condamnée à une amende dérisoire. La justice avait reculé en fait, devant l'émotion soulevée par le procès et les manifestations qui l'avaient accompagné.

En avril 1973 se constituait le MLAC (Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception) avec la participation de nombreuses organisations politiques d'extrême gauche (dont Lutte Ouvrière) mouvement qui luttait pour l'abrogation de la loi de 1920.

Un mois plus tard, à Grenoble, le docteur Annie Ferret-Martin était arrêtée pour avoir pratiqué un avortement. Mais la protestation fut si forte que justice et police durent reculer à nouveau.

Dès lors, le gouvernement devait reconnaître la réalité de la situation subie par les femmes. Non qu'il ne l'ait pas déjà connue, pas plus qu'il n'ignorait les conditions très dures qu'étaient obligées de subir les femmes les plus démunies. Mais, des souffrances de ces femmes, il n'avait rien à faire. Bien sûr, ni la crainte de la police ni celle de la prison ne pouvaient empêcher les avortements de continuer ; mais clandestinement, donc dans des conditions précaires, surtout pour celles qui avaient peu de moyens.

Mais, devant les milliers de femmes qui proclamaient le droit à la liberté de la contraception et de l'avortement, devant le nombre de médecins qui proclamaient " Je fais des avortements, que la justice me poursuive si elle l'ose ! ", la justice était devenue impuissante. Giscard avait été obligé de déclarer que la loi de 1920 ne devait plus être appliquée tant qu'une nouvelle loi ne serait pas votée.

La loi Veil n'a pas réglé tous les problèmes, mais elle a constitué un pas en avant dans le sens du respect du droit des femmes. Cela dit, aujourd'hui, son application est loin de se faire sans difficulté, tout d'abord parce qu'il existe de grandes disparités géographiques dans la pratique de l'IVG. Dans certains départements n'existe aucun centre d'IVG car aucun médecin ne veut en pratiquer, soit parce que c'est peu rémunérateur, soit parce que ce n'est pas valorisant pour sa carrière professionnelle, soit par conformisme devant le regain d'idées rétrogrades. Ces multiples raisons constituent une régression dont les femmes se retrouvent à nouveau victimes. Le gouvernement connaît parfaitement la situation, en parle mais ne fait rien, lui qui, au contraire, cherche par tous les moyens à restreindre les dépenses hospitalières.

D'un côté, la misère matérielle mais aussi morale s'accroît, replongeant un grand nombre de femmes dans des conditions très dures de dénuement, d'isolement et même d'ignorance car on va moins chez le médecin, prendre un médicament ou suivre un traitement est un souci supplémentaire dans une existence qui en est remplie. De l'autre, on assiste à un retour de l'ordre moral car nombre d'attitudes militantes, socialement engagées, ont disparu, laissant le champ libre à un conformisme moralisateur qui cache à peine un profond mépris pour la femme et son droit à vivre sa vie comme elle l'entend ; le débat autour du Pacs en a fourni récemment une illustration.

Les femmes ont su faire reculer le gouvernement, sa justice, sa police sur le droit à l'avortement. Vingt-cinq ans après il y a encore des combats à mener car la société avance à reculons dans tous les domaines, donc celui des droits des femmes.

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