Couverture Maladie Universelle : Toujours pas d'accès satisfaisant aux soins03/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1638.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Couverture Maladie Universelle : Toujours pas d'accès satisfaisant aux soins

Voté par le Parlement au printemps 1999, le texte dit en préambule : " L'inégalité devant la prévention et les soins est une des injustices les plus criantes. Il est inadmissible que certains de nos concitoyens ne puissent bénéficier ou faire bénéficier leurs enfants des soins dont ils ont besoin. Devant la maladie ou la douleur, le niveau de revenus ne doit pas introduire de discriminations. "

Mais si l'objectif affiché est généreux, le contenu des mesures annoncées ne fera guère reculer l'inégalité devant les soins. Dans certains cas, l'accès aux soins sera peut-être plus difficile.

En matière de soins, l'inégalité était frappante. Un rapport du ministère de la Santé constate que " seuls 84 % de la population bénéficient d'une couverture complémentaire (une mutuelle). Parmi les personnes qui ont les revenus les plus bas, ce taux est nettement inférieur : c'est d'ailleurs un des premiers postes de dépenses sacrifiés lorsque les personnes connaissent une dégradation de leur situation ".

Il signale aussi que " 30 % des personnes dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 3 000 F par mois et 20 % pour les revenus compris entre 3 000 F et 4 000 F déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières dans l'année précédente. Les restrictions portent principalement sur les soins dentaires (43 % des cas), les lunettes (16 %), les médicaux et analyses (28 % des cas) ".

La CMU va-t-elle apporter des améliorations sensibles à cette situation scandaleuse ? A partir de sa volonté affirmée d'assurer à tous une couverture par la Sécurité sociale, elle va fusionner l'ensemble des dispositifs existants. Actuellement 700 000 personnes n'ont pas accès à un régime de base à partir des critères traditionnels (travail, retraite ou par un ayant droit). Mais 500 000 d'entre eux voient leurs cotisations prises en charge par les différents dispositifs de la CNAF et des départements. Pour ceux-là, le nouveau système ne changera rien, sauf peut-être une simplification des démarches puisqu'il n'y aura plus qu'un seul interlocuteur.

Le ministère évalue à 150 000 ceux qui ne disposent d'aucune couverture, faute d'avoir fait les démarches dans certains cas ou parce qu'ils sont étrangers en situation irrégulière. Pour tous ceux-là, y compris pour les sans-papiers, il n'y aura rien de changé dans la nouvelle loi qui n'a d'universelle que le nom, puisqu'il faut disposer d'une carte de séjour pour être pris en charge par l'assurance maladie.

La Sécurité sociale ne rembourse en moyenne que 74 % des dépenses de santé, d'où la nécessité d'une couverture complémentaire. Que changera la CMU ?

Elle prévoit que pour tous les revenus inférieurs à 3 500 F (5 250 F à deux), il y aura une couverture complémentaire à 100 %. Mais pas au-delà. Or, jusqu'à présent, l'aide médicale gratuite des départements prenait non seulement déjà en charge les revenus inférieurs à 3 500 F (dont les 1,4 million de RMIstes) mais dans bien des cas (le barème variant suivant les départements) le seuil où cette aide intervenait était plus élevé. Au total, 2,5 millions de personnes bénéficiaient donc déjà d'une prise en charge à 100 %. Dans le Val-d'Oise par exemple, le barème prenait en charge à 100 % les personnes dont les revenus étaient inférieurs à 4 500 F. Avec la CMU, les personnes qui gagnent entre 3 500 F et 4 500 F devront désormais payer elles-mêmes une mutuelle.

Une autre régression du système antérieur de la prise en charge : le montant des remboursements. Martine Aubry vient d'annoncer le plafonnement des remboursements : 1 300 F par an en soins dentaires (sauf dentiers) et le remboursement d'une seule paire de lunettes par an. Cela signifie que les plus pauvres devront continuer à renoncer, faute d'argent, à se soigner correctement les dents, et à attendre l'année suivante pour remplacer une paire de lunettes perdue ou cassée. En cette fin de siècle, dans un des pays les plus riches de la planète, à qui fera-t-on croire que l'économie serait en danger parce qu'on y remplace les lunettes et qu'on y permet sans restrictions de se soigner les dents ?

Il est prévu que la CMU couvrira six millions de personnes dont le revenu est inférieur à 3 500 F. Ce nombre important d'ayant-droit, qui est plus du double de celui des chômeurs officiellement recensés, établit mieux que les autres statistiques le niveau de la pauvreté en France.

L'instauration de la CMU représente neuf milliards de dépenses. A titre de comparaison, le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique en France est passé de 20 milliards de francs en 1980 à 93 milliards en 1997. Pourquoi ne prendrait-on pas une partie de ces énormes profits pour permettre à tous un réel accès aux soins élémentaires ? Parce que le gouvernement prend plus de soin à protéger les profits des riches qu'à soigner les plus démunis.

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