Chômage : Trucage des statistiques, mode d'emploi26/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1637.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Chômage : Trucage des statistiques, mode d'emploi

Il ne s'écoule pas une semaine sans qu'on entende parler " des bons chiffres " et de la prétendue " baisse du chômage ". Dans son dernier numéro, l'hebdomadaire Le Point rappelle au contraire, après d'autres, dont Le Monde il y a quelques semaines, que c'est un trucage des statistiques qui permet de parler de la baisse... sur le papier.

D'après le chiffre officiel, le chômage ne serait plus que de 11,1 % de la population active (contre 12,6 % en juin 1997). Ce chiffre, même s'il correspondait à la réalité, est déjà considérable. Mais il ne prend en compte qu'une seule catégorie de chômeurs, alors qu'il en existe sept autres ! Ainsi, dans la première catégorie, celle qui comptabilise les demandeurs d'emplois " immédiatement disponibles " et à la " recherche d'un emploi à durée indéterminée et à plein temps ", les statistiques font apparaître une baisse de 440 000 du nombre d'inscrits à l'ANPE en deux ans. Mais, dans le même temps, le nombre de chômeurs monte au contraire dans toutes les autres catégories, à raison de 270 000 inscrits supplémentaires. Ces catégories comprennent pêle-mêle les personnes à la recherche d'un temps partiel, d'un CDD ou ayant travaillé plus de 78 heures dans le mois. Et si l'on ajoute les chômeurs de 55 ans, toujours indemnisés mais maintenant dispensés par l'ANPE de recherche d'emplois, le nombre de chômeurs, selon Le Point, n'aurait pas baissé : 4,17 millions de demandeurs d'emplois en septembre 1996, 4,31 millions en septembre 1997, 4,37 millions en septembre 1998 et 4,31 millions en septembre 1999. " La population totale en contact avec le chômage ne varie pas " écrit au journal un responsable de l'assurance-chômage.

Bien d'autres signes montrent que la pauvreté et l'exclusion ne faiblissent pas, au contraire : la direction de la CNAF, qui gère l'attribution des minima sociaux (dont le RMI), le dit : " La situation ne cesse de s'aggraver. La demande sociale à travers les courriers et les visites augmente cette année encore de 8 %. ". Le nombre de RMIstes, loin de diminuer, est de 1,1 million et a augmenté de 50 000 en un an. Et, à ce propos, il faut savoir qu'environ 60 % des RMIstes ne sont pas comptabilisés dans les demandeurs d'emplois, et donc environ 600 000 n'apparaissent pas dans les statistiques.

Autre signe : 6 millions de personnes devraient être couvertes par la Couverture Maladie Universelle au 1er janvier prochain. Or, la CMU ne sera réservée qu'aux personnes gagnant moins de 3 500 F... Qu'est-ce, sinon l'aveu que le chômage et la misère touchent une partie sans cesse croissante de la population ?

Mais de cela, Martine Aubry et les responsables socialistes n'ont cure : leur " lutte contre le chômage " pourrait se résumer par la formule : " Cachez ces chômeurs qu'on ne saurait voir, en les sortant des statistiques ". L'article du Point évoque ainsi plusieurs employés d'ANPE à qui on aurait demandé de faire du " chiffre " ; c'est-à-dire d'écrémer les fichiers de demandeurs d'emplois. " Vous ne radiez pas assez " reproche un directeur départemental de l'ANPE à un chef d'agence. Celui-ci explique que " depuis un an, la pression est énorme ! Une seule chose compte : dégager le plus possible de chômeurs des fichiers pour présenter tous les mois des chiffres meilleurs ". Un délégué CGC à l'ANPE, explique aussi " on sait ce qui intéresse la hiérarchie. On ne va pas pousser les gens à rester en catégorie " une " s'il est possible de les basculer ailleurs. " Et d'après le journal, dans le cadre du programme " Nouveau départ " lancé il y un an, sous couvert d'entretiens avec les chômeurs de longue durée, les conseillers ANPE sont en fait fortement invités à délester la catégorie " une " (la seule rendue publique) au profit des autres.

Enfin, il y a les radiations administratives dont le nombre (70 000) a explosé de 43 % en un an, sans que les intéressés aient pour autant retrouvé de travail. Ils restent chômeurs... mais pas dans les statistiques...

Que les chiffres du chômage diminuent un peu ou pas du tout, une chose est certaine : c'est que la précarité et la pauvreté ne cessent de grandir dans les milieux populaires.

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