Sans-papiers : Une politique inacceptable12/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1635.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Sans-papiers : Une politique inacceptable

Il aura fallu trente-neuf jours d'occupation par des sans-papiers de Saint-Denis et 38 jours de grève de la faim pour six d'entre eux, pour que le préfet de Seine-Saint-Denis prenne quelques engagements vis-à-vis de la régularisation d'une partie des 49 dossiers de sans-papiers qu'il s'était engagé à réviser le 13 septembre. Des négociations sont en cours mais rien n'est garanti, ni pour la majorité des cas en question ni même pour les six sans-papiers qui ont fait la grève de la faim puisque, si l'un d'eux, en France depuis 17 ans, s'est vu promettre sa régularisation, les cinq autres n'ont eu droit jusqu'à présent qu'à une autorisation provisoire de séjour d'un mois.

La réponse définitive du préfet sera connue le 15 novembre et la seule mesure acceptable sera la régularisation des 49 dossiers qui représentent une infime partie des 13 000 " cas " refusés dans le seul département de Seine-Saint-Denis et des 65 000 " cas " environ refusés à l'échelle du pays.

L'administration ne peut même pas dissimuler l'arbitraire qui prévaut dans ses décisions inhumaines et qui consiste à condamner à la clandestinité les " déboutés " de leur demande.

Certains sont en France depuis cinq, dix voire quinze ans, mais on réfute leurs affirmations et leurs preuves. Certains ont une compagne, des enfants, mais ils ne sont pas mariés et sont récusés parce que " célibataires ". Et quand un papier exigé est fourni, l'étranger sans papiers s'en voit demander un autre dont il n'avait jamais été question. Puis, lorsque le verdict que les Préfectures présentent comme définitif tombe, et que l'arrêt de reconduite à la frontière est signifié, l'absence de papiers se traduit par l'impossibilité de mener une vie libre et décente. Il faudra survivre de boulots clandestins et mal payés, se loger chez un marchand de sommeil sans scrupule, faire attention dans les déplacements à ne pas tomber sur un contrôle policier qui peut conduire au tribunal puis au centre de rétention, avec le risque que la menace d'expulsion ne se réalise.

C'est inhumain et injuste. La seule mesure qui règlerait le problème serait la régularisation de tous les sans-papiers. Mais ce n'est pas dans cette voie qu'avance le gouvernement. Chevènement trouve la justice, la police et l'administration trop coulantes. Et le même Jospin, qui en 1997 promettait aux sans-papiers une politique différente de celle de la droite, est directement responsable d'une politique vis-à-vis des sans-papiers qui n'a rien à envier à celle de ses prédécesseurs. En effet, non seulement le gouvernement piétine sa propre légalité en ne régularisant pas de nombreux sans-papiers qui de son propre aveu pourraient l'être au regard de la loi, mais il durcit ses pratiques. Il accentue les mesures destinées à faire de ces dizaines de milliers de travailleurs étrangers des parias qu'on expulsera manu militari, de façon à bien prouver à tous ceux qu'attire le langage xénophobe de la droite ou de l'extrême droite que les politiciens dits de gauche sont capables des mêmes méthodes musclées que les politiciens ouvertement réactionnaires.

Il faut, dit Chevènement à ses services, surveiller les lieux fréquentés par les clandestins. Il faut aussi prendre leurs empreintes quand ils viennent en toute bonne foi déposer leur dossier, de façon à pouvoir les coincer au moindre contrôle. Il faut les piéger donc. Et bien sûr mener à terme l'expulsion des expulsables plus fréquemment que par le passé, en rendant plus tracassières les formalités accompagnant les mises en liberté décidées par les tribunaux, en multipliant les pressions sur les juges, les services de police, le personnel administratif, les compagnies d'aviation et les associations de défense des sans-papiers.

C'est inacceptable. Et ce n'est bien sûr pas seulement aux sans-papiers, mais aussi à tous ceux que cette politique indigne, de faire reculer Chevènement et le gouvernement en exigeant la régularisation de tous les sans-papiers.

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