L'internationale capitaliste (pardon, socialiste) : En congrès12/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1635.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

L'internationale capitaliste (pardon, socialiste) : En congrès

L'Internationale Socialiste a tenu son 21e congrès à Paris. Elle avait choisi comme cadre La Défense, où les patrons aiment habituellement tenir des assises. Les propos tenus montrent que ce quatrième avatar de feu la Seconde Internationale pourrait aussi bien s'appeler l'Internationale capitaliste. Elle y gagnerait au moins sur le plan de la franchise.

Cette Internationale-là est née en 1951, après onze ans de silence, en pleine Guerre Froide, à l'époque où les partis socialistes, partageant le même anticommunisme que la droite, préféraient les bonnes relations avec l'impérialisme américain plutôt qu'avec la bureaucratie russe. En France, quand le PS était au gouvernement, il menait des guerres coloniales pour préserver à tout prix, y compris sa propre disparition politique, les intérêts les plus rétrogrades de l'impérialisme français. Le dévouement actuel à la cause du patronat vient de loin.

La réunion comptait quelque 1 200 congressistes venus d'une centaine de pays et représentant près de 150 partis. Parmi eux, de nombreux chefs d'Etat bourgeois - onze en Europe - qui, tous, mènent une politique favorable aux classes riches : laisser-faire devant les licenciements, introduction de la flexibilité dans les entreprises, aides en tout genre au grand patronat, coupes sombres dans les services publics, braderie des entreprises publiques au capital privé, etc.

Et puis on a pu voir se retrouver aussi l'Israélien Barak et le Palestinien Arafat, ou les dirigeants d'un parti arménien et d'un parti azerbaïdjanais, qui étaient dans des camps opposés pendant la guerre du Karabakh. Ils étaient entre (inter)-nationalistes, en somme. Ce club de politiciens sélect attire ceux qui regardaient hier du côté de Moscou, comme l'ANC de Mandela, ou des partis bourgeois traditionnels : le parti radical argentin, voire les démocrates américains de Clinton avec qui elle cultive des relations.

Bien sûr, tradition social-démocrate oblige, on peut mener une politique voisine de celle menée par la droite au gouvernement, et tenir des propos de congrès qui masquent, à peine il est vrai, cette réalité. Jospin a donc joué avec les mots : il ne serait plus utile de " changer de société ", mais on peut encore " changer la société ". Ou encore : " oui à l'économie de marché, non à la société de marché ". Il a même lancé sans complexe : " La santé n'est pas une marchandise ", alors que toute sa politique dans les hôpitaux montre tout le contraire.

Les dirigeants des PS disent " contribuer à organiser et à civiliser l'économie de marché ". Ce sont des mots creux car ils n'ont pas la moindre volonté de s'attaquer, même un peu, à ceux qui mènent le monde, patrons des grandes entreprises et grands actionnaires. Des journalistes proches du PS cherchent des différences entre Jospin et Blair, qui rêve d'une " Internationale de centre gauche ", mais Mauroy, un expert, n'en voit pas. Et on peut lire, sous la plume d'Henri Weber dans une brochure de formation du PS, que " le capitalisme n'est plus un ennemi, il ne faut plus parler en terme de " capital " ou de " capitalisme " : il y a des entrepreneurs. Il faut pénaliser les entrepreneurs archaïques et rétrogrades, et passer des alliances saint-simoniennes avec les entrepreneurs innovants et sociaux ". Et de nous refaire le coup de l'entreprise citoyenne, chère au grand patronat, où l'on traite les ouvriers comme des ci-devants juste bons à être licenciés.

Entre cette " Internationale " et celle créée à Paris, sous le parrainage d'Engels, il y a 110 ans, il y a tout ce qui sépare bourgeois et prolétaires, le monde de l'exploitation et celui d'où peut venir l'émancipation. Les socialistes d'alors dénonçaient les illusions sur la possibilité de changer la société avec un gouvernement de la bourgeoisie, en appelant " les travailleurs de tous les pays à s'unir indépendamment de tous les partis bourgeois. " Et un congressiste avait lancé : " Si on me proposait un poste de ministre - ce n'est pas ce que je souhaite, et je ne crains pas que cela arrive dans l'immédiat - je poserais une condition : est-ce que ce gouvernement s'attaquera à la propriété privée des moyens de production ? Si la réponse est oui, alors j'accepterai cette responsabilité, sans plaisir mais avec sens du devoir ; mais si la réponse est non, je dirai : arrière, tentateur, vous essayez de me tromper, ainsi que les travailleurs ". Des propos qui gardent plus de valeur pour aujourd'hui que les banalités débitées par les actuels dirigeants socialistes.

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