Il y a dix ans : La chute du mur de berlin12/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1635.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Il y a dix ans : La chute du mur de berlin

Il y a dix ans, le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin tombait. Des millions d'Allemands purent enfin franchir cette frontière hermétiquement close depuis quarante ans, entre les pays d'Europe occidentale et les mal nommées Démocraties Populaires maintenues sous la férule de la bureaucratie russe. Alors que la séparation de l'Allemagne en deux Etats pouvait sembler jusqu'à cette année 1989 être une donnée irréversible, il ne s'écoula pas un an avant que n'ait lieu la réunification en un seul pays.

En novembre 1989, tout comme aujourd'hui, la chute du Mur de Berlin fut présentée comme étant le symbole de la fin du communisme. Mais le régime qui s'écroulait alors n'avait en fait rien à voir avec le communisme dont il ne comportait pas la moindre once. C'était une sinistre dictature faite de grisaille, de flicaille, de censure, de mouchardages, d'embrigadement étatique, où la population vivait une vie médiocre même si elle n'était pas misérable.

Nombre d'Allemands de l'Est qui se libéraient des rancoeurs accumulées depuis des années pouvaient certes avoir le sentiment de rejeter le communisme dont leurs gouvernants se paraient. Mais en fait, leur ressentiment, voire leur haine, était dirigé contre une dictature stalinienne, au service d'une caste privilégiée maintenant une société inégalitaire.

Le Mur et le partage du monde contre les peuples

Si le Mur de Berlin était un symbole, c'était avant tout celui de la division du monde en deux blocs. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la crainte des Alliés était forte de voir éclater des mouvements révolutionnaires en Europe, comme cela avait été le cas en Russie et en Allemagne à la fin de la Première Guerre. Le partage du monde entre les deux blocs, soviétique et occidental, aux conférences de Yalta et de Postdam, s'est fait contre les peuples. Il s'est agi avant tout de la répartition des tâches de police entre les impérialistes et la bureaucratie soviétique.

L'Allemagne, quant à elle, fut divisée en quatre zones d'occupation. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France se sont partagé la partie occidentale, tandis que la zone orientale fut confiée à l'URSS. Berlin, l'ancienne capitale, située en zone soviétique, fut elle aussi partagée en quatre zones.

En 1945, la coupure de l'Allemagne en deux n'était pas encore considérée comme définitive. Tout au moins officiellement. Elle ne le fut que quelque temps plus tard. En 1949 la création de la RDA (République Démocratique Allemande) fut la réponse à la nouvelle RFA (République Fédérale Allemande) issue de l'unification des trois zones occidentales ; tout comme elle fut aussi la réponse de l'URSS à l'aide financière américaine contenue dans le plan Marshall. La construction du Mur de Berlin, en août 1961, sur la ligne de démarcation séparant les secteurs Est et Ouest de la ville, entérina cette division.

En RDA, le régime mis en place sous l'égide de l'URSS, fut dirigé par un parti communiste, le SED, aidé d'une puissante et omniprésente police politique, la Stasi.

L'URSS lâche les démocraties populaires...le Mur tombe

Les premiers signes du changement vinrent en fait de l'extérieur, quand l'URSS choisit de desserrer l'étau. Lancé dans sa Perestroïka, Gorbatchev avait alors d'autres chats à fouetter. Pour lui, les Démocraties Populaires devenaient plus une charge qu'autre chose. Il fit donc comprendre qu'il les laisserait dorénavant vivre leur vie.

Ce fut la Hongrie qui la première initia son ouverture à l'Ouest, sans que l'URSS intervienne dans les changements d'orientation du régime.

En RDA, une grande partie de la population en avait assez de ce prétendu socialisme qui ne parvenait même pas à masquer le règne des privilèges et des inégalités. Commença alors un mouvement d'exode des Allemands de l'Est vers l'Ouest, via la Hongrie. Il se fit aussi au cours de l'été par la Tchécoslovaquie, qui était alors le seul pays d'Europe où les habitants de la RDA pouvaient se rendre sans visa. Dès lors que l'URSS les lâchait, les autorités est-allemandes livrées à elles-mêmes furent impuissantes devant cet exode.

A l'intérieur même du pays, la contestation s'amplifiait aussi. Les élections municipales de mars, où le trucage était (comme d'habitude) évident, suscitèrent des protestations. Le 7 mai, et ensuite tous les 7 des mois suivants, eurent lieu les premières grandes manifestations contre le régime, à Leipzig et Dresde notamment. A partir du 9 octobre, elles se déroulèrent tous les lundis, rassemblant des centaines de milliers de personnes, pour culminer le 4 novembre à peut-être un million de participants à Berlin.

Le coup de grâce fut donné par Gorbatchev lui-même. Lors des fêtes du quarantième anniversaire, les 6 et 7 octobre, il limogea le numéro Un du régime, Erich Honecker. Ce dernier fut remplacé le 18 octobre par Egon Krenz, " jeune " réformateur de 55 ans, à propos duquel un chanteur contestataire est-allemand disait : " C'est l'abruti souriant de la bande du comité central. "

Egon Krenz n'ayant pas de politique de rechange, il allait être bien impuissant à endiguer le mouvement. Tout s'accéléra donc, et le 9 novembre le Mur tombait. La réunification entre les deux Allemagne ne fut plus qu'une affaire de temps. Le 18 mars, les élections en RDA virent la victoire de la droite proche d'Helmut Kohl, partisan de la réunification. Après l'accord du 1er juillet 1990 sur la parité des deux monnaies (le mark de l'Est échangé contre un mark de l'Ouest), l'Allemagne fut réunifiée le 3 octobre.

D'autres murs à faire tomber

Dix ans après, les illusions de nombreux travailleurs est-allemands sur la prospérité qu'ils croyaient que l'ouest leur apporterait sont retombées. Les régions de l'ex-RDA ont vu leur économie s'effondrer, car non compétitive au regard des normes de rentabilité capitalistes. Les grands complexes industriels ont été démantelés. Il y eut 3 500 mises en liquidation, 14 000 entreprises privatisées. L'ex-RDA a perdu les deux tiers de ses emplois. Le nombre de chômeurs s'élève désormais à 2,5 millions.

Si le Mur de Berlin, symbole de la division entre les deux Allemagne, vestige de la Guerre Froide, est tombé ce 9 novembre 1989, il reste maintenant aux travailleurs du nouvel Etat bien d'autres murs à faire crouler, à commencer par celui de l'argent ; celui de la mainmise sur toute l'économie par une poignée de capitalistes.

Les travailleurs est-allemands en avaient à juste titre assez des privilégiés de l'ex-RDA qui maintenaient les inégalités par la dictature et la réunification correspondait manifestement à un sentiment populaire partagé. Mais les privilégiés de l'Est étaient encore des nains au regard des grands bourgeois occidentaux. Depuis près de dix ans que cette réunification a été accomplie, les travailleurs de l'Est ont pu en faire largement l'expérience. Il faut souhaiter que celle-ci aide à la prise de conscience de ce qu'est le capitalisme et de la nécessité de le combattre, tant parmi les travailleurs de l'Ouest que parmi ceux de l'Est. Au moment où toute la classe ouvrière allemande est réunifiée et représente ainsi une force considérable, cela serait le meilleur atout pour l'avenir.

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