Faïencerie de Vitry-le-François (51) : 35 heures: le patron veut la flexibilité et l'argent de la flexibilité12/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1635.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Faïencerie de Vitry-le-François (51) : 35 heures: le patron veut la flexibilité et l'argent de la flexibilité

A la Faïencerie de Vitry-leFrançois, le directeur a reçu les syndicats CGT et FO pour leur communiquer ses prévisions pour les 35 heures.

Dans cette entreprise de fabrication de sanitaires, nous sommes près de 400 ouvriers à travailler essentiellement à la chaîne. Plusieurs secteurs travaillent en équipe, mais la grande majorité travaillent en normale de 7h à 15h30. Dans plusieurs secteurs, la chaleur et la poussière sont insupportables, en particulier en été. Si les 35 heures signifiaient sortir chaque jour une heure plus tôt de cette fournaise, tout le monde y serait évidemment favorable. Mais, cela n'a surpris personne, ce n'est pas l'objectif de la direction. Son projet est au contraire une véritable attaque contre nos conditions de vie.

Le patron veut imposer la « saisonnalisation » : il prend comme base les 1 600 heures de la loi Aubry. En période «haute» de j anvier à juillet, il voudrait nous faire travailler 8 heures par jour 5 jours par semaine, mais il n'exclut pas de demander de travailler le samedi, donc d'aller jusqu'à 48 heures par semaine. En période « basse », de septembre à décembre, il veut nous faire travailler 3 jours par semaine, une équipe du lundi au mercredi, l'autre du jeudi au samedi, à raison de 8 heures par jour. A la réunion, il avançait même l'horaire de 28 heures sur 3 jours, ce qui correspondrait à des journées de 9h20.

Ainsi donc, au lieu de travailler moins, on nous ferait travailler plus longtemps chaque jour, on nous demanderait de travailler plus de week-ends, en été, quand la chaleur est intenable dans les ateliers, en échange de journées en hiver, quand cela nous intéresse le moins.

Pourquoi l'annualisation? Le patron a mis en avant qu'il vend un peu plus en été qu'en hiver. Cela lui permettra d'éviter de stocker quelques mois des cuvettes de WC et des bacs à douche. Ainsi, la seule raison qui le pousse à désorganiser notre vie et aggraver nos conditions de travail, c'est de faire quelques économies sur le stockage. Il a pris un malin plaisir à ajouter: «Et puisque la loi Aubry le permet, pourquoi ne pas en profiter ? »

Autre inquiétude: les salaires. Il y a quelques années, en mettant en place les équipes de 5x8 (5 équipes se relayant 7 jours sur 7), la direction avait inauguré les 35 heures payées 35. De plus elle avait ôté la demi-heure de pause cassecroûte et fait donc travailler dans les faits 37h30 payées 35. La signature de la CGT avait permis de faire passer à l'époque cet accord odieux. Le résultat est que le rythme de travail a déclenché chez bon nombre de salariés des dépressions physiques et nerveuses. Actuellement, la plupart souhaitent arrêter le 5x8. Questionné à nouveau sur ce scandale des pauses non payées, le patron a répondu cyniquement «qu'il n'avaitfait qu'anticiper la loi Aubry ».

Dans un autre secteur, le Coulage, les ouvriers doivent faire un quota de pièces minimum pour toucher leur salaire. Le quota est si élevé que les couleurs les plus anciens doivent venir travailler gratuitement une heure plus tôt et font donc des semaines de 45 heures payées 39. Que va-t-il se passer avec les 35 heures si les quotas ne diminuent pas? Leur salaire ne va-t-il pas, en plus, diminuer ?

Dans toute l'usine, les salaires sont au SMIC ou légèrement supérieurs, avec l'ancienneté ou les heures supplémentaires. Mais avec Fannualisation, même le paiement des heures supplémentaires risque de disparaître. Alors la grosse inquiétude est la baisse du pouvoir d'achat. Enfin, question embauches, la direction a expliqué qu'elle n'embaucherait personne pour les 35 heures, alors même que la production ne cesse d'augmenter.

Pour l'instant, la réaction de beaucoup est: «Il ne faut pas que les syndicats signent». D'autres réactions sont pour l'instant assez résignées: «Si la loi lepermet... on ne peut pas y faire grand-chose. »

En fait, le seul à se réjouir de cette loi Aubry, c'est le patron qui a confirmé que, par-dessus le marché, il toucherait bien les 21500 F par an et par smicard. D'ailleurs, cette loi lui plaît tellement... qu'il l'a fait distribuer et afficher partout dans l'usine!

Partager