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- Lutte ouvrière n°1633
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Editorial
Loi Aubry : Pas d'emplois, mais cent milliards et les mains libres au patronat
Le recul de Martine Aubry devant le chantage du MEDEF, menaçant de se retirer des organismes paritaires dans lesquels il siège, si l'on puise dans les budgets de la Sécurité sociale et de l'Unedic pour financer les 35 heures, a fait beaucoup jaser les commentateurs et réjoui les milieux patronaux. Il y a recul, c'est vrai, mais un recul tout symbolique. C'est peut-être un signe fort donné au patronat - un de plus -. Mais cela fait partie d'une comédie ente deux comparses.
Car le recul, le vrai, se situe à un tout autre niveau, et date de bien plus longtemps. Il n'est nullement question, en effet, d'abandonner le financement des 35 heures, tout juste d'aller chercher ailleurs l'argent nécessaire pour le faire. Le gouvernement prendrait désormais dans les fonds provenant de la taxe sur les alcools, destinés jusqu'alors à financer en partie les retraites, et sur la taxe imposée sur les heures supplémentaires. La belle affaire. Car quelle que soit l'origine de ces fonds, quel que soit le tour de passe-passe réalisé in extremis par Martine Aubry pour complaire au patronat, cela se réduit, comme à chaque fois, par un transfert de fonds de la poche des contribuables dans les coffres des patrons. La vraie reculade est là. Elle est inscrite dans la logique de la loi Aubry.
Car ce sont au bas mot autour de 65 milliards, qui tomberont dans l'escarcelle des patrons " au nom de l'aide aux 35 heures ", selon les chiffres fournis par la presse financière afin de financer la mise en place des 35 heures, et plus de 100 milliards dans les années à venir. Ça n'est pas rien. D'autant que cela s'ajoute à d'autres faveurs à l'égard des riches et de leurs commis hauts de gamme. Ce n'est pas Jaffré, l'ex-PDG de Elf qui pourra dire le contraire.
C'est d'ailleurs la seule mesure concrète, chiffrable, concernant la prochaine loi sur les 35 heures. Pour ce qu'il adviendra aux salariés, la seule certitude, c'est qu'ils seront exploités dans des conditions plus dures, pour des salaires qui resteront bloqués. Martine Aubry a beau répéter que dans cette opération, il s'agirait du " donnant-donnant ", qu'il y aurait échange, équilibre ; on voit bien à qui on donne, et généreusement : aux patrons ; on voit du même coup à qui on s'en prend : aux travailleurs. Et durement.
Quel que soit l'angle sous lequel on examine cette seconde loi Aubry, on n'y trouve rien, absolument rien qui puisse y être considéré comme un avantage pour les salariés. Même pas la garantie d'avoir une semaine de travail moins pénible, car rien n'y impose que les horaires quotidiens et hebdomadaires soient réduits, puisque la baisse des horaires s'effectuera, dans nombre de cas, par l'ajout variable selon les entreprises de jours de congés supplémentaires, dont la plupart seront à prendre au gré du patron. A cela s'ajoute la flexibilité et l'annualisation qui feront que les 35 heures hebdomadaires ne seront qu'une moyenne qui permettra aux patrons de faire travailler chaque semaine dans une fourchette allant de 0 à 45 heures, voire plus. Là encore, cela se fera en fonction des besoins de la production, donc au gré des patrons.
Quant à la création d'emplois, prétexte, rappelons-le, de la mise en place des lois Aubry, personne n'ose plus guère en parler. Parce qu'aucune contrainte ne s'impose aux patrons en contrepartie de l'argent qu'ils percevront au titre de la loi. Ce n'est pas la dérisoire clause, introduite au dernier moment, qui demanderait aux patrons de s'engager dans la négociation pour la réduction à 35 heures, ou même qu'il suffira qu'ils aient montré la volonté d'en discuter " sérieusement " que l'on peut considérer comme une contrainte. D'autant que cette clause ne concerne pas des embauches, mais le nombre, plus ou moins grand de suppressions d'emplois.
En fait la loi Aubry n'est pas destinée, quoi qu'elle dise elle-même, relayée par des comparses complaisants, à créer des emplois, puisqu'elle a pour objectif de mieux rentabiliser le travail existant au travers de la flexibilité et de l'annualisation. Cela se traduira par la détérioration des conditions de travail de ceux qui en ont, qui devront travailler plus, avec le même effectif, ou même avec des effectifs réduits. Et si la durée du travail est réduite pour certains d'entre eux, ce sera pour assurer la même production dans un laps de temps plus court.
La reculade du gouvernement devant la grogne factice du patronat n'est donc qu'une ridicule péripétie.
Pourtant la réduction du temps de travail, une vraie réduction est à l'ordre du jour, afin de diminuer la peine des femmes et des hommes durement exploités par les capitalistes. C'est une impérieuse nécessité de partager le travail entre tous, sans réduire les salaires. Mais pour cela, il faut que se manifeste une volonté puissante de prendre sur les richesses des patrons, au lieu de leur accorder des dizaines de milliards pour diminuer les emplois et du même coup accroître leurs immenses richesses. Ca n'est pas la voie que prennent les Jospin, Strauss-Kahn et autre Aubry. La classe ouvrière, collectivement, à les moyens de l'imposer.