Le PDG de Renault interpellé par Arlette Laguiller29/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1633.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Le PDG de Renault interpellé par Arlette Laguiller

Marie-Noëlle Lienemann, députée socialiste et vice-présidente du Parlement européen, a invité Louis Schweitzer, le PDG de Renault tristement célèbre pour ses plans dits sociaux, à une conférence-débat au sein du Parlement. Cela évidemment dans le but de permettre « un fructueux dialogue entre la politique et l'industrie». Devant un parterre très respectueux d'une soixantaine de personnes, le nouveau propriétaire de Nissan a fait un exposé d'une demi-heure sur sa stratégie industrielle, qu'il résume lui-même en deux mots une « croissance rentable ». Croissance parce que c'est le seul moyen de n'être pas écrasé et de ne pas disparaître, rentable parce que la rentabilité est le seul gage de la croissance. Et de développer toute sa politique qui est celle des grands groupes capitalistes confrontés les uns aux autres dans le cadre du grand marché capitaliste. Un exposé bien applaudi par une assistance manifestement gagnée de longue date aux vertus du marché et de la concurrence capitalistes.

La brochette de parlementaires présents à la tribune a posé ensuite quelques questions plus convenues les unes que les autres et toutes bien conformes à l'esprit-maison, c'est-à-dire consensuel et paillasson.

Dans la salle, Arlette Laguiller est intervenue (nous publions cette intervention ci-dessous). Cela a jeté tout de suite un certain froid. Elle a dénoncé cette politique qui se fait sur le dos des travailleurs, par la réduction des emplois, par l'aggravation des conditions de travail. En conclusion, elle a demandé à Schweitzer pourquoi, s'il voulait faire des économies pour abaisser les prix, il ne prenait pas sur les dividendes distribués aux capitalistes plutôt que sur les travailleurs. Ces déclarations inconvenantes et les applaudissements enthousiastes des camarades LOLCR qui entouraient Arlette Laguiller ont explosé dans cet environnement feutré comme un juron au milieu d'un salon de thé.

Ces dizaines de milliers de femmes et d'hommes, licenciés au cours de vos plans dits sociaux successifs, de Renault-Billancourt à Nissan, en passant par Renault- Vilvorde. Et même lorsque vous ne licenciez pas, en vous contentant de supprimer des emplois, c'est autant de chômeurs en plus dans une situation de chômage catastrophique.

Pour diminuer les coûts, vous supprimez les emplois des uns, vous imposez aux autres, ceux qui restent, des conditions de travail de plus en plus dures, un rythme de travail de plus en plus insupportable.

Mais si je vois très bien en quoi votre gestion est rentable pour une poignée de gros actionnaires qui se partagent les bénéfices, dites-moi en quoi elle est rentable pour les travailleurs qui ont consacré des années de leur vie, et parfois toute leur vie, à

L'intervention d'Arlette Laguiller

« Vous vous vantez de votre stratégie à la tête de Renault. Mais votre politique est un désastre pour ces dizaines de milliers de femmes et d'hommes, licenciés au cours de vos plans dits sociaux successifs, de Renault-Billancourt à Nissan, en passant par Renault- Vilvorde. Et même lorsque vous ne licenciez pas, en vous contentant de supprimer des emplois, c'est autant de chômeurs en plus dans une situation de chômage catastrophique.

Pour diminuer les coûts, vous supprimez les emplois des uns, vous imposez aux autres, ceux qui restent, des conditions de travail de plus en plus dures, un rythme de travail de plus en plus insupportable.

Mais si je vois très bien en quoi votre gestion est rentable pour une poignée de gros actionnaires qui se partagent les bénéfices, dites-moi en quoi elle est rentable pour les travailleurs qui ont consacré des années de leur vie, et parfois toute leur vie, à faire marcher les usines que vous dirigez, et qui se retrouvent jetés à la rue ? Dites-moi aussi en quoi une politique qui aggrave le chômage, est rentable pour la société ? Et puisque vous parlez de la nécessité de faire des économies pour que les automobiles Renault ou Nissan soient compétitives sur le marché international, pourquoi est-ce en jetant à la rue des ouvriers payés 7000, 8 000 ou 10 000 francs par mois que vous faites des économies - et je pense aux 21000 suppressions d'emplois chez Nissan - et pas sur les dividendes des actionnaires milliardaires ? »

Une perle schweitzerienne

A Arlette Laguiller qui lui demandait pourquoi il ne prenait pas sur les dividendes distribués aux actionnaires pour réduire ses coûts de production, le PDG a répondu que les 900 millions de francs, distribués l'année dernière à ce titre, ne représentaient que le 20e de son plan d'économies. Il voulait signifier par cela que prendre aux actionnaires n'aurait de toute façon pas été suffisant pour remplir un plan de vingt milliards d'économies, dont la moitié sur les salariés. Il a pu tromper la majorité de l'assistance avec une réponse ayant l'apparence de la rigueur mathématique. Mais l'apparence seulement : il avait simplement «oublié» que c'est chaque année qu'il distribue des dividendes aux actionnaires... tandis que les emplois supprimés le sont définitivement, eux.

Partager