Coup de colère des pompiers29/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1633.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Coup de colère des pompiers

Plusieurs milliers de pompiers professionnels ont manifesté jeudi dernier à Paris. La manifestation devait se diriger vers le siège de la Direction de la Sécurité Civile (DSC). Mais, devant le refus des responsables de la DSC comme du gouvernement de recevoir les représentants des manifestants, plusieurs milliers d'entre eux sont partis bloquer le périphérique parisien, brûlant pneus et palettes. Pendant plusieurs heures, manifestants et CRS se sont fait face, créant un énorme embouteillage bloquant une partie de la capitale.

Les raisons de la colère des pompiers sont multiples. Le nombre de leurs interventions ne cessant d'augmenter et les effectifs n'étant pas à la hausse, ils ont vu ces dernières années leurs conditions de travail devenir plus difficiles. On comprend d'autant mieux leur colère qu'au moment où le gouvernement parle de réduction de temps de travail, leur horaire hebdomadaire avoisine les 56 heures en moyenne.

De plus, malgré les dangers auxquels ils sont confrontés, leur profession n'est toujours pas classée dans la catégorie des métiers dangereux, ce qui leur permettrait de partir à la retraite à partir de 50 ans. Il s'agit là d'une ancienne revendication des pompiers que Chevènement lui-même avait remise à l'ordre du jour au moment de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, au cours de laquelle un pompier âgé de 54 ans était mort, à un an de sa retraite. Chevènement avait alors promis de discuter de ce problème mais, comme d'habitude, on en était resté à l'effet d'annonce.

Une autre raison du mécontentement des pompiers concerne la loi dite " départementalisation des services de secours et d'incendie ", votée par la droite en mai 1996 et en cours d'application. Cette loi, qui tranfère la gestion de ces services de l'échelon communal à l'échelon départemental, est censée harmoniser la situation des pompiers, en particulier en ce qui concerne les rémunérations (qui variaient d'une commune à l'autre), et donner aussi plus de moyens. Mais déplacer les problèmes n'est évidemment pas une façon de les résoudre, et là où la réforme a été appliquée la situation ne s'est guère améliorée. Les disparités au niveau des primes, des conditions de logement ou du temps de travail existent toujours d'un département à l'autre, ou au sein d'un même département. De plus, ces modifications se sont bien souvent faites sans que les principaux intéressés, les pompiers, soient tenus au courant et puissent donc discuter de ce qui allait changer.

Un mouvement avait déjà démarré dans divers départements il y a plusieurs mois sur le problème du temps de travail et sur les rémunérations. Le gouvernement espérait sans doute que la protestation reste éparpillée et que les différentes collectivités territoriales se débrouillent avec le problème. Mais les pompiers ont dépassé les divisions administratives artificielles et ont été demander des comptes directement au gouvernement. Ce qu'ils réclament maintenant - la retraite à partir de 50 ans ainsi que la définition d'un temps de travail commun à tous - concerne l'ensemble des 27 000 pompiers professionnels et rassemble tout le monde.

Pour le moment, le gouvernement continue à jouer la montre et n'a proposé qu'un rendez-vous à Matignon début novembre. Mais, vu l'ampleur de la manifestation de jeudi, il aurait tort de trop supposer que la colère des pompiers ne serait qu'un feu de paille.

Le mouvement chez les pompiers de Creil

La manifestation a été très suivie, là comme ailleurs. Plus de la moitié des pompiers du centre sont montés à Paris. " Il y avait de l'ambiance : tambours, pétards etc. et les gens nous applaudissaient ", racontent les responsables syndicaux. Au moment du blocage du périphérique, tous ont été frappés par l'attitude des automobilistes qui, contrairement à ce qu'ont raconté les médias, n'ont pas été hostiles. " Les gens sont descendus de leurs voitures et on a discuté ensemble. C'était très sympa. "

Sur le centre de Creil, les interventions à effectuer ont doublé en six ans, alors que l'effectif n'a quasiment pas augmenté. Du coup, les gardes, qui sont de 48h à 72h d'affilée (selon le grade), sont loin d'être de tout repos. De plus, les interventions sont devenues souvent plus difficiles, physiquement mais aussi psychologiquement. Et la fatigue est ressentie d'autant plus que l'âge moyen des pompiers est maintenant de 40 ans. " Il y a eu plein de jeunes embauchés il y a 16 ans, mais depuis c'est au compte-gouttes ", raconte un pompier qui rajoute que " le gouvernement n'a pas intérêt à jouer au malin, car on reviendra à Paris et ça risque de chauffer vraiment ".

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