Timor Oriental : Un massacre planifié17/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1627.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Timor Oriental : Un massacre planifié

Plus d'une semaine après la proclamation du résultat du référendum sur l'indépendance du Timor Oriental, Habibie le successeur de Suharto et actuel dirigeant de l'Etat indonésien, a annoncé qu'il acceptait l'intervention de forces de l'ONU.

Des " casques bleus " finiront sans doute par débarquer à Timor Est. Le pouvoir indonésien, après d'autres discussions et marchandages encore à venir, fera cette concession aux grandes puissances, pour les aider à entretenir l'illusion qu'elles ont quand même volé au secours du peuple timorais, même si c'est après lui avoir laissé subir un nouveau terrible bain de sang. Car l'action des milices anti-indépendantistes, armées et encadrées par l'armée indonésienne, a fait son oeuvre : des dizaines de milliers de morts, Dili la capitale ravagée, 200 000 personnes ont été évacuées de force au Timor Ouest, des dizaines de milliers d'autres errent dans les montagnes sans abri et sans nourriture.

La presse dévoile aujourd'hui des preuves de ce qui semblait évident : à savoir que tout cela avait été systématiquement préparé en même temps que le référendum, et que l'ONU en avait été clairement avisée.

Quoi qu'il en soit dorénavant du débarquement de forces de l'ONU à Timor Est, le pouvoir indonésien aura accompli l'essentiel de la démonstration qu'il voulait faire : ceux qui veulent lui échapper auront un terrible prix à payer. Et il l'a faite avec l'aide des grandes puissances impérialistes, car elles ont tenu les mains des victimes face à leur bourreau. Elles les ont précipitées dans ce piège sanglant du référendum en toute connaissance de cause, et les ont laissées ensuite sans protection. Ce qu'on nous explique pudiquement dans les médias en prétendant qu'elles ont parié sur le fait que " le pire n'est pas toujours fatal ".

En réalité ces grandes puissances, Etats-Unis en tête, n'ont que faire du droit des peuples et de la démocratie en général.

Ce n'est pas d'hier qu'elles ont couvert l'oppression des Timorais par le pouvoir indonésien. Cela fait un quart de siècle que ça dure, depuis que le Portugal a évacué son ancienne colonie en 1975 et que celle-ci a été envahie par l'armée indonésienne. Alors qu'un quart de la population a été massacrée, les grandes puissances se sont contentées de quelques protestations purement verbales. Par la suite, c'est avec la bénédiction de ces mêmes grandes puissances qu'un accord a été signé entre l'Australie et l'Indonésie pour l'exploitation du pétrole timorais, accord par lequel l'annexion du pays par l'Indonésie est reconnu de facto.

A la faveur de la crise asiatique qui a frappé durement l'Indonésie, le régime en place a été affaibli. A sa tête, Suharto a été remplacé par un de ses hommes, Habibie. Mais sans que le pouvoir réel, exercé par l'armée, relayée par des milices, n'ait en rien disparu.

Ce pouvoir qui s'est constitué sur le massacre de 500 000 communistes indonésiens en 1965 et qui depuis a fait régner la terreur contre tous ses opposants, a toujours été choyé par les puissances impérialistes. C'est à lui qu'ont eu à faire face l'année dernière les étudiants les travailleurs et les pauvres qui ont manifesté contre la dictature. La déstabilisation du pouvoir s'est également traduite par des espoirs parmi les différentes nationalités opprimées de l'archipel indonésien. Le nouveau massacre des Timorais aura servi aux dirigeants de Djakarta comme moyen d'adresser un avertissement aux indépendantistes qui ont développé ces dernières années des organisations et des guérillas dans d'autres régions comme dans l'Irian Jaya, l'Aceh, les Moluques...

Il est certain qu'une lutte des travailleurs et des étudiants contre la dictature, alliée à celle des nationalités opprimées, présenterait un formidable potentiel révolutionnaire en Indonésie.

Pour ses intérêts économiques, pétroliers en particulier, mais aussi pour des raisons stratégiques plus générales, les puissances impérialistes, inquiètes de la déstabilisation du régime indonésien, ont fait pression sur celui-ci pour l'organisation du référendum sur l'indépendance au Timor Oriental, comme elles ont fait pression pour qu'un ravalement de façade et des élections le rendent plus présentable. Mais seul compte finalement pour l'impérialisme la survie d'un Etat garantissant ses intérêts, et il n'est pas regardant sur les moyens à employer.

C'est pourquoi demander aux grandes puissances qu'elles interviennent - que ce soit directement sous leur bannière ou sous celle de l'ONU - et laisser croire qu'elles peuvent en quoi que ce soit protéger les peuples, reste une duperie. Quels que soient les bons sentiments dont cette revendication peut partir, à savoir : faire quelque chose pour arrêter le massacre qui se déroule sous nos yeux.

Il n'y a que les opprimés eux-mêmes qui peuvent, en s'armant mais pas avec des bulletins de vote, arrêter le bras des bourreaux. Les travailleurs indonésiens ont beaucoup plus de moyens de paralyser le pouvoir de Djakarta, et surtout beaucoup plus d'intérêts fondamentaux à le faire que les Clinton, Chirac ou autres et leurs troupes.

Tant que les peuples eux-mêmes, les travailleurs et les pauvres n'interviendront pas directement, pour leurs propres intérêts, nous resterons malheureusement désarmés devant de tels événements. Et ce qui manque cruellement à tous les opprimés, en même temps que la claire conscience de qui sont leurs vrais ennemis ou leurs vrais alliés, ce sont des organisations qui unissent leurs combats, par delà toutes les frontières, contre les brigands qui dirigent les pays impérialistes et les dictatures qu'ils soutiennent de par le monde.

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