Espagne : Sanchez, faux rempart contre l’extrême droite26/07/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/07/2869.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Sanchez, faux rempart contre l’extrême droite

En Espagne, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez avait convoqué des législatives anticipées juste après la débâcle de son parti aux élections locales, fin mai, pour freiner la « remontada » de la droite.

Avec plus de 8 millions de voix et 136 députés (47 de plus qu’aux dernières élections législatives), le Parti populaire (PP), de droite, est sorti vainqueur des urnes le 23 juillet. En face, le Parti socialiste (PSOE), actuellement au gouvernement, obtient 7,8 millions de voix et 122 députés (+2). La droite reprend ainsi une bonne partie du terrain perdu en 2019, lorsqu’une motion de censure, en plein scandale de corruption, l’avait éjectée du pouvoir. Le PP reste cependant loin de la majorité nécessaire pour gouverner, même en y ajoutant les 33 sièges du parti d’extrême droite Vox, son allié.

Vox, parti nostalgique du franquisme, issu d’une scission du PP, reste troisième mais perd 19 députés, tandis que le regroupement Sumar, qui intègre Podemos, le PC et quelques autres partis de la « gauche de la gauche », perd 700 000 voix. Dans cette situation, sans majorité claire, la coalition actuelle autour du PSOE et de Sumar tente de se maintenir au pouvoir.

Le principal atout de Sanchez est sa capacité à obtenir pour l’investiture le soutien des partis nationalistes basques et catalans. Bien qu’ils ne se situent pas tous à gauche, les régionalistes, comme le Parti nationaliste basque ou Junts en Catalogne, sont en conflit avec le PP sur leurs prérogatives locales. Le découpage électoral donne un bonus à ces partis locaux qui peuvent, avec trois ou quatre cent mille voix, faire et défaire des majorités appuyées sur plusieurs millions d’électeurs, en imposant leurs conditions politiques. La droite ne se prive d’ailleurs pas, depuis quatre ans, d’accuser Sanchez d’être l’otage d’indépendantistes voulant détruire l’unité de l’Espagne. Il est également possible que les négociations avortent et qu’un blocage prolongé aboutisse à de nouvelles élections, comme en 2015 et en 2019.

Bien des travailleurs ont sans doute poussé un soupir de soulagement à l’annonce des résultats, en voyant qu’ils échappaient à une majorité absolue de la droite et de l’extrême droite. La forte mobilisation électorale, avec une participation en hausse, à plus de 70 % même en période de vacances, traduit cette inquiétude d’électeurs de gauche déçus, qui s’étaient abstenus aux élections précédentes, et qui ont craint de voir Abascal, le leader de Vox, devenir vice-président du gouvernement. Ce sentiment est d’autant plus compréhensible que, dans les villes et les régions où Vox est arrivé aux responsabilités aux côtés du PP, leurs élus ont multiplié les déclarations réactionnaires et les mesures symboliques sexistes et homophobes.

Penser que les électeurs auraient ainsi « arrêté le fascisme » ou freiné l’extrême droite est cependant une illusion dangereuse, entretenue par Sanchez et ses alliés de gauche. Ils ont instrumentalisé le danger pour mobiliser leurs électeurs et ont aujourd’hui l’indécence de crier victoire. En effet toute leur politique au service des classes possédantes ne peut qu’entraîner l’écœurement des classes populaires et contribuer à faire monter l’extrême droite. Cette coalition de gauche n’a pas hésité non plus à flatter les préjugés réactionnaires. Sanchez a assumé – et ses alliés de Podemos et du PC avec lui, qui gesticulent mais sont restés au gouvernement – le massacre de dizaines de migrants à Melilla en juin 2022. Il est ensuite allé afficher son accord avec Meloni, la Première ministre italienne d’extrême droite sur la question de l’immigration.

Loin de protéger les classes populaires de l’extrême droite, la gauche de gouvernement aggrave le danger en démobilisant les travailleurs. Le programme du prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur, est déjà clair : il présentera aux classes populaires la facture de l’augmentation du budget militaire et du « quoi qu’il en coûte » à l’espagnole, qui a, comme ailleurs, surtout profité aux grandes entreprises, tout en différant ses conséquences sociales. Il continuera et aggravera la chasse aux migrants. Il maintiendra une politique étrangère atlantiste et impérialiste, soutenant la guerre de l’OTAN en Ukraine et participant au réarmement général.

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