Manouchian au Panthéon : morts d’hier et combines politiques d’aujourd’hui21/06/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/06/2864.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Manouchian au Panthéon : morts d’hier et combines politiques d’aujourd’hui

Le 18 juin, lors du traditionnel et obligatoire discours présidentiel sur la Résistance, de Gaulle, l’unité nationale et l’habituel fatras tricolore, Macron a annoncé l’entrée de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon.

Ainsi, au milieu d’une campagne permanente contre les immigrés, les sans-papiers, les étrangers, après l’envoi de la police contre les travailleurs qui se battent pour leurs droits, après les litanies injurieuses contre « l’ultra gauche », le geste de Macron se voudrait dirigé vers sa gauche, en offrant à deux ouvriers communistes, arméniens arrivés clandestinement en France, une place aux côtés des grands hommes méritant la « reconnaissance de la patrie ». Cela ne concerne évidemment pas leur engagement communiste dans la lutte de classe des années 1930, mais le fait d’avoir été sous l’Occupation les organisateurs des FTP-MOI, les groupes armés issus du secteur Main-d’œuvre immigrée du PCF d’avant-guerre. Missak Manouchian et 23 de ses camarades, espagnols, italiens, juifs, arméniens, furent pour cela arrêtés et fusillés au mont Valérien en février 1944.

Après la tragédie de 1944 vient la comédie politique d’aujourd’hui, soigneusement calibrée, du petit intérêt immédiat jusqu’à la préparation de sombres lendemains. Ce geste en direction de la gauche, et singulièrement du PCF, qui milite depuis longtemps pour la panthéonisation de Manouchian, veut démontrer la largeur d’esprit de Macron, son attachement au roman national, version de Gaulle-Jean Moulin-Résistance. Il lui fallait bien cela pour faire pendant à la quasi-réhabilitation du maréchal Pétain opérée en 2018. Cette célébration participe aussi du constant effort étatique et politique pour installer l’idée de l’unité nationale. Il s’agit, comme en toute circonstance, de persuader les travailleurs que, nés ici ou ailleurs, ils doivent être prêts à mourir pour la mère patrie, c’est-à-dire pour ses banquiers et ses industriels.

L’opération politique n’est pas nouvelle et toute l’histoire de Missak Manouchian et des militants communistes entrés dans le combat contre le nazisme et l’État de Pétain en fut une tragique illustration. Leur courage et, pour beaucoup, le sacrifice de leur vie furent mis au service d’une bien mauvaise cause. Le PCF suivait depuis juin 1941 une politique d’union sacrée derrière de Gaulle, Roosevelt et Staline. Il s’agissait de vaincre l’Allemagne sans risquer de provoquer de crise révolutionnaire, comme celle commencée lors de la Première Guerre mondiale ou comme celle qui s’annonçait dès 1943, en Italie. Toute idée de lutte de classe devait donc être abandonnée au profit de l’unité nationale derrière la bourgeoisie. Personne ne peut savoir ce que Manouchian et ses camarades pensaient de l’abandon par le PC de tout internationalisme, de toute perspective révolutionnaire et de son alignement derrière un général réactionnaire. Quoi qu’il en soit, la direction stalinienne les envoya à la mort pour se faire admettre par les autres partis de la Résistance comme un parti « combattant pour la France ». Cette politique purement nationaliste allait contribuer à réinstaller après la guerre la république en tant que régime « démocratique » de la bourgeoisie capitaliste. C’est cette politique qui est aujourd’hui honorée par Macron, les médias unanimes et les héritiers revendiqués, à tort ou à raison, du PCF de l’époque.

Missak et Mélinée Manouchian et leurs camarades, militants ouvriers abusés par les staliniens, combattants assassinés par les fascistes, internationalistes transformés malgré eux en icones nationales, avaient eu suffisamment de courage et de foi dans l’avenir pour offrir leur vie dans la lutte contre l’oppression. Cela les place hors d’atteinte des combinaisons minables d’un Macron et de l’exploitation de leur image par un PCF qui ne sait plus depuis longtemps ce que le mot communisme signifie.

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