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Grèce : Tsipras paye sa politique

En Grèce, le Premier ministre sortant, Kyriakos Mitsotakis, chef du parti de droite Nouvelle Démocratie, est arrivé en tête des élections législatives du 21 mai. Avec 40 % des voix, et 146 députés sur 300, cette victoire ne lui permet cependant pas de constituer le gouvernement qu’il souhaite sans recourir à une alliance.

Un second tour pourrait déboucher sur la constitution du deuxième gouvernement Mitsotakis, aussi radicalement à droite que le précédent. Son principal opposant à la tête de la coalition de gauche Syriza, Alexis Tsipras, suit Mitsotakis de beaucoup plus loin que les sondages ne le prévoyaient, avec 20 % des suffrages et 71 députés au lieu de 86 en 2019. Puis viennent les socialistes du Pasok-Kinal (Parti socialiste-Mouvement pour le changement) qui ont obtenu près de 11,5 % des voix et 41 sièges au lieu de 22, et le parti communiste KKE avec 7,2 % et 26 sièges au lieu de 11 aux élections précédentes. Le dernier parti à dépasser les 3 % nécessaires pour avoir des députés est la Solution grecque (4,5 % et 16 députés au lieu de 10) un parti d’extrême droite nationaliste.

Tsipras est le grand perdant, et il a payé le prix de sa politique. Élu en 2015 sur la promesse de s’opposer aux diktats de l’Union européenne, il a cédé et a accepté de faire peser sur la population tout le poids des économies exigées par les financiers. Les années Tsipras de 2015 à 2019 ont laissé le souvenir d’un chômage massif, de fermetures d’entreprises, de services publics de plus en plus dégradés, de salaires et de retraites amputés.

Après avoir ainsi déçu profondément les électeurs des classes populaires, ce n’est pas le programme électoral de 2023 de Tsipras, qui se voulait de centre gauche, qui pouvait lui reconquérir d’anciens électeurs. Tant qu’à faire, certains d’entre eux sont sans doute retournés vers le Pasok, pendant que d’autres se repliaient vers le KKE dont la rhétorique se veut radicale, et d’autres encore vers la droite, y compris dans les milieux populaires.

Après douze années d’austérité, sous divers gouvernements, Mitsotakis, lui, a bénéficié d’un répit et de la sollicitude des banques. Il s’est vanté du retour des affaires, de la baisse du chômage, affichant près de 11 % contre le double il y a dix ans. Il a porté le salaire minimum à 780 euros. Il a aussi joué sur la peur de la guerre, qui pourrait venir du voisin turc, et aussi sur la peur des migrants, surtout dans le nord du pays, où il a promis de prolonger la barrière à la frontière turque. Il a surtout joué sur la crainte de retrouver l’instabilité des années passées et a été aidé par les désillusions créées par les gouvernements précédents.

Ce dirigeant de droite extrême est un pilier de l’Église et s’affiche comme un partisan de l’ordre. Il est soupçonné d’utiliser les services secrets pour espionner les journalistes et les hommes politiques, il prétend ignorer les push-back, ces renvois criminels d’immigrants à la merci de la mer alors qu’une vidéo vient de révéler ce procédé utilisé par ses services.

Malgré les promesses de Mitsotakis, la politique d’un nouveau gouvernement de la droite accroîtra le fossé entre la situation d’une bourgeoisie grecque qui prospère, et les travailleurs souvent sous-payés, aux emplois précaires, victimes de l’inflation et dont plus de 26 %, selon Elstat, l’institut grec des statistiques, risquent de tomber dans une plus grande pauvreté.

Les travailleurs, les jeunes ont heureusement montré qu’ils savent réagir comme ils l’ont fait en manifestant récemment après la catastrophe ferroviaire due à la politique criminelle des pouvoirs publics.

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