Nos lecteurs écrivent Misère et guerre entre pauvres à Mayotte16/05/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/05/2859.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Nos lecteurs écrivent Misère et guerre entre pauvres à Mayotte

L’opération Wuambushu, à Mayotte, entame sa quatrième semaine. Chez tous les sans-papiers de l’île, la peur règne. Le marché populaire du dimanche à Mamoudzou a disparu, car les vendeurs craignent de se faire arrêter. « On ne va pas se jeter dans la gueule du loup », comme dit l’un d’eux, mais en se demandant aussi comment il va pouvoir survivre sans son gagne-pain.

Au lycée où je travaille, les cours ont repris après les vacances de printemps, mais avec seulement la moitié des élèves. Les autres soit ont été arrêtés, soit se cachent pour tenter d’échapper aux contrôles. Ceux qui viennent racontent les grenades lacrymogènes lancées dans leur maison, la fuite dans la campagne autour pour éviter d’être asphyxié, les flics qui les arrêtent et leur demandent de dénoncer leurs parents. Et, dans ce contexte, la hiérarchie nous demande de faire passer les examens blancs, comme si de rien n’était, en bons petits soldats de l’appareil d’État.

En dehors de l’école, la situation se dégrade encore. Des collectifs citoyens, galvanisés par la députée ­Estelle Youssouffa, bloquent l’entrée des dispensaires et de l’hôpital pour protester contre la suspension des expulsions. Les plus pauvres, de toutes les nationalités, se retrouvent donc privés de soins. L’entrée de la préfecture est elle aussi bloquée par ces collectifs, pour empêcher les sans-papiers qui ont rendez-vous d’aller effectuer leurs démarches. Tout cela se passe avec le soutien tacite de la police et de la préfecture, qui se gardent bien d’intervenir. La guerre entre pauvres, qui dédouane complètement l’État français de toute responsabilité vis-à-vis de la misère qui règne sur l’île, voilà qui convient parfaitement à ces garants de l’ordre bourgeois.

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