Editorial

Derrière le paravent démocratique, le règne de la bourgeoisie

Après le feu vert du Conseil constitutionnel, Macron s’est empressé de promulguer la loi. Et le soir du 17 avril, au journal télévisé de 20 heures, il a essayé de tourner définitivement la page.

Avec la même arrogance et les mêmes mensonges, il a justifié d’imposer deux ans de travail ferme pour tous les travailleurs. En guise de baume apaisant, on a eu droit à des paroles en l’air sur les salaires et le pouvoir d’achat.

Ce cinéma était grossier et inutile, car Macron n’est plus le seul à décider sur cette affaire des retraites : des millions de travailleurs se sont exprimés et battus contre cette attaque et ils n’ont aucune raison, eux, de tourner la page.

Ce n’est pas parce qu’une loi est promulguée qu’elle n’est plus à contester. Et puisque la mobilisation pose problème à Macron, eh bien, il faut continuer et ajouter nos revendications sur l’augmentation et l’indexation des salaires !

Le gouvernement explique que la loi a terminé son « cheminement démocratique ». Eh oui, pour lui, la démocratie, c’est faire voter une loi concernant des millions de travailleurs à 577 députés, même quand elle est rejetée par les premiers concernés à la quasi-unanimité ! Et quand il craint que la loi ne passe pas à l’Assemblée, il sort le bazooka du 49.3 pour éviter le vote. C’est autorisé par la Constitution, alors, c’est forcément démocratique !

Ultime étape de légitimité, la loi passe ensuite devant le Conseil constitutionnel. Neuf membres, pompeusement appelés « sages », sont censés garantir que tout a été fait selon les règles de l’art démocratique. Parmi eux, on ne compte, bien sûr, aucun ouvrier, aucune aide à domicile ou aide-soignante, aucun magasinier ou chauffeur… mais d’anciens Premiers ministres comme Fabius et Juppé, des hauts fonctionnaires et des énarques, tous serviteurs fidèles de l’ordre bourgeois.

Alors, voilà, pour tous ces gens-là, la démocratie, c’est tout ce que l’on veut, sauf tenir compte de ce que demande l’immense majorité de la population !

II n’y a qu’une conclusion à tirer de cela : c’est que l’appareil d’État dans son ensemble, le gouvernement, le Parlement, le Conseil constitutionnel, appuyés bien sûr sur les forces de répression, sont conçus non pas pour refléter l’avis du monde du travail et servir le peuple, mais pour servir les intérêts de la minorité capitaliste qui tire toutes les ficelles.

La grande bourgeoisie, au premier rang de laquelle trônent des milliardaires tels que Bernard Arnault ou Françoise Bettencourt Meyers, domine toute l’économie au travers de la propriété privée des entreprises, des banques, des réseaux de distribution. Ce faisant, elle régente la vie sociale, l’imprègne de ses valeurs et de ses intérêts. Pour faire tourner son système politique, elle dispose de hauts fonctionnaires et de politiciens totalement dévoués et, la plupart du temps, issus de ses rangs.

Même parmi les opposants à Macron, que ce soit Le Pen ou Mélenchon, personne n’imagine d’autre horizon que cette société d’exploitation et de classes sociales, où les intérêts des financiers et des industriels s’imposent à toute la société.

Le Pen promet, si elle est élue en 2027, de revenir sur les 64 ans. Mais aucun des partis d’opposition n’est jamais revenu sur aucune des réformes précédentes, malgré leurs promesses, et Le Pen est une politicienne aussi attachée et dévouée au monde bourgeois que les autres.

Quant à la proposition de Mélenchon de passer à la VIe République, elle ne changerait rien au problème de fond, c’est-à-dire la nécessité de contester le pouvoir de la bourgeoisie et de ses milliards sur nos vies, sur la société et l’avenir de l’humanité.

Avec la lutte en cours, beaucoup de travailleurs ont réalisé que, derrière la morgue de Macron, il y a la volonté et les intérêts de la bourgeoisie de reprendre le plus de droits possible aux travailleurs. Ils ont réalisé ce qu’était la lutte des classes. C’est cette conscience qu’il faut approfondir et propager.

Comprendre qui sont nos véritables ennemis est d’autant plus nécessaire que les combats les plus durs sont devant nous. Avec l’explosion des prix, l’intensification de l’exploitation et la précarité, les travailleurs paient déjà le prix d’un capitalisme à bout de souffle. La concurrence féroce entre les grands trusts les pousse à intensifier la guerre sociale contre les travailleurs et peut mener à une véritable guerre généralisée. La guerre en Ukraine et les guerres sans fin au Moyen-Orient ou en Afrique doivent servir de signal d’alarme.

Alors, au cours de ces trois mois, nous avons réappris à discuter, à nous organiser et à riposter. Nous avons exercé notre force de travailleurs. À cette force, il faut ajouter toujours plus de conscience pour se fixer le seul objectif qui vaille : le renversement de tout l’ordre social bourgeois.

Bulletins d’entreprise du 17 avril 2023

 

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