Airbus-Air France : trop gros pour être condamnés19/04/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/04/2855.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Airbus-Air France : trop gros pour être condamnés

Jugés quatorze ans après pour homicides volontaires dans le crash du vol Rio-Paris qui fit 228 morts, Air France et Airbus n’encouraient que 225 000 euros d’amende. Était-ce encore trop pour la justice ? En tout cas, le 17 avril, le tribunal correctionnel de Paris a décidé finalement de relaxer ces deux géants mondiaux du secteur aérien.

Pendant les deux mois qu’a duré le procès, les faits ont à nouveau été réexaminés. Le 1er juin 2009, l’Airbus A330 du vol AF447 Rio-Paris avait dû traverser le fameux Pot-au-noir, au large du Brésil, dans des conditions atmosphériques fort dégradées. Les indicateurs de vitesse de l’appareil, des sondes Pitot, ayant givré à haute altitude, ils ne pouvaient plus donner aux pilotes des données fiables en matière de trajectoire, de vitesse et d’altitude. Or, comment assurer la sécurité d’un vol sans ces indications ? Quelques minutes après que les trois navigants avaient tenté de le redresser, l’A330 s’écrasa en mer avec ses 216 passagers et 12 membres d’équipage.

D’emblée, la compagnie invoqua une erreur de pilotage. C’était pratique, cela la dédouanait, mais choquant, car les pilotes n’étaient plus là pour se défendre, et en plus c’était faux. Car deux ans après, lorsque l’on repêcha les boîtes noires de l’avion par 3 900 mètres de fond, il n’y eut plus de doute : les sondes Pitot n’avaient pu jouer leur rôle. Dans la foulée, des responsables de la sécurité aérienne firent savoir que d’autres équipages avaient déjà plusieurs fois signalé ces sondes comme responsables d’ incidents de vol plus ou moins graves. Pourtant Airbus et Air France n’avaient rien fait pour les remplacer par des systèmes plus sûrs, ni pour informer les équipages de l’éventualité de telles défaillances, en les formant à les gérer.

Comme confirmation tardive de ce qu’ils auraient dû faire avant le drame, Airbus et Air France ainsi que d’autres compagnies décidèrent de changer toutes les sondes en question dans le monde entier… bien après le crash.

À l’heure des réquisitions, le parquet, donc l’État, a réclamé la relaxe d’Airbus et d’Air France, en prétendant que leur culpabilité était « impossible à démontrer ». Un réquisitoire que les parties civiles ont dénoncé, au nom des victimes, comme « exclusivement à charge contre les pilotes et en faveur des deux multinationales ». Combien pèsent 228 morts au regard des dizaines de milliards et des parts gigantesques de marché que détiennent Airbus et Air France ? Le verdict d’acquittement des deux entreprises répond à cette question à sa façon.

Partager