Leur société

Protectionnisme : vert pour les capitalistes, saignant pour les travailleurs

Sous prétexte de relocaliser l’industrie tout en la verdissant, Bruno Le Maire a présenté le 3 avril à Bercy son plan « industrie verte ». Son objectif : inciter les capitalistes à installer leurs usines en France en les arrosant d’argent public.

À l’été 2022, le président américain Joe Biden a signé l’Inflation Reduction Act (IRA), un programme à plusieurs centaines de milliards de dollars qui promet subventions et exonérations fiscales à tous les industriels, américains ou non, qui installent leurs usines aux États-Unis. Ce plan, emballé comme il se doit dans des considérations sur l’urgence de la transition écologiste, a des effets déjà visibles : plusieurs groupes européens, dans la chimie, l’industrie automobile, la fabrication de batteries, ont programmé la délocalisation d’une partie de leurs productions aux États-Unis. Ford a annoncé la suppression de 3 800 emplois en Europe pour les y rapatrier. Le surcoût de l’énergie en Europe a accéléré les transferts.

Face à ces mesures protectionnistes, les États européens tentent de réagir. Comme toujours, chacun défend les intérêts de ses propres capitalistes et rechigne à financer un plan européen global qui pourrait profiter à ses concurrents. Ainsi la première mesure de l’UE a-t-elle été, fin janvier, d’autoriser les différents États à subventionner leurs industriels. Au diable la concurrence « libre et non faussée » et vive la loi du plus fort ! En parallèle, la présidente de la Commission européenne a annoncé une loi sur l’industrie à zéro émission, c’est-à-dire des subventions aux capitalistes européens. Bien sûr, ces milliards d’euros versés par l’UE seront pris sur d’autres budgets.

Le plan « industrie ver­te » de Bruno Le Maire est la réponse du gouvernement français à celui de Biden. Si les détails sont encore flous, ce plan sera fait de subventions, d’exonérations fiscales, de facilités administratives. Il prévoit encore de drainer les livrets d’épargne vers l’industrie dite verte. En fait, il n’y a là rien de nouveau sous le soleil puisque l’industrie française est sous perfusion d’argent public depuis des décennies. « Le carnet de chèques français ne pourra pas être aussi généreux que l’américain », se désolait le journal Les Echos. La générosité de l’État vis-à-vis de ses capitalistes est proportionnel au poids de l’impérialisme français.

Pour les travailleurs, l’exacerbation de la concurrence entre l’Europe et l’Amérique et le retour massif du protectionnisme, bien mal camouflé sous un vernis écologique, signifient des sacrifices. Les aides publiques et les exonérations seront autant d’argent manquant pour les écoles, la santé ou la retraite. Au nom de la relocalisation, les travailleurs seront sommés d’être plus productifs, de travailler plus longtemps. La transition énergétique sert de prétexte à la hausse massive des prix, tandis que la compétitivité exige le gel des salaires. La transition qu’il faut imposer d’urgence, c’est celle du capitalisme vers une gestion collective de la société.

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