Israël : face à Netanyahou et à l’extrême droite29/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2852.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : face à Netanyahou et à l’extrême droite

Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a finalement reculé face à la mobilisation des opposants à son projet de réforme du système judiciaire. Dans la soirée du lundi 27 mars, il a annoncé le report de l’examen des textes au mois de mai, après les vacances parlementaires de la Pâque juive, déclarant vouloir « laisser place au dialogue ».

Après trois mois de contestation et de manifestations hebdomadaires, la mobilisation a connu un nouvel élan après le limogeage, dans la soirée du dimanche 26 mars, du ministre de la Défense, qui avait exprimé la nécessité, selon lui, de marquer une pause dans la réforme de la justice. En moins d’une heure, des milliers d’Israéliens, dont plus de 100 000 à Tel-Aviv, sont descendus dans la rue pour clamer leur colère. Des affrontements ont eu lieu avec la police. Le lendemain, 27 mars, le principal syndicat appelait à une grève générale, entraînant la suppression des vols internationaux et l’arrêt de nombreuses entreprises du secteur privé.

Face à l’ampleur de la mobilisation, Netanyahou a donc préféré reculer, prenant le risque de perdre le soutien des organisations ultranationalistes et religieuses d’extrême droite avec lesquelles il gouverne. En plus de leur concéder des ministères clés comme celui des Finances ou de la Sécurité intérieure, Netanyahou s’était en effet engagé vis-vis d’elles à entreprendre une réforme du système judiciaire diminuant le poids de la Cour suprême, pour l’empêcher de remettre en cause une loi votée par les députés. Or la Cour suprême est souvent apparue comme un contre-pouvoir, notamment pour s’être parfois opposée à la création de certaines colonies ou à certains mouvements religieux.

Une partie de la population s’est inquiétée de la volonté du gouvernement d’accroître son pouvoir, d’autant plus qu’avec le poids acquis en son sein par l’extrême droite, il y avait toutes les raisons de s’attendre à des attaques contre les droits des femmes, des homosexuels, des Arabes palestiniens, déjà considérés comme des citoyens de second ordre, et d’une façon générale contre les libertés publiques.

La contestation a rapidement gagné une grande partie de la société israélienne, y compris des milieux peu habitués à se mobiliser. Des grands patrons d’institutions financières et d’entreprises du secteur des hautes technologies ont fait valoir que les capitaux quitteraient le pays si le gouvernement adoptait une telle réforme. Au sein de l’armée, des milliers de réservistes ont exprimé leur opposition, ainsi que des généraux à la retraite, d’anciens dirigeants du Mossad (le service de renseignement intérieur), du Shin Bet (le service de sécurité intérieure) et jusqu’à l’actuel chef d’état-major… Cela explique certainement que le ministre de la Défense lui-même ait fini par exprimer ses réserves.

Après l’annonce du report de la réforme de la justice, l’ancien Premier ministre et principale figure de l’opposition, le politicien de droite Yaïr Lapid, s’est dit prêt à discuter avec Netanyahou pour trouver un compromis. « Nous ne nous reposerons pas tant que l’État d’Israël n’aura pas de constitution », a-t-il ajouté devant des manifestants. Avancer un tel objectif institutionnel n’est évidemment pas ce qui fera barrage à l’extrême droite ni conjurera la menace qu’elle représente. De la part d’un dirigeant qui ne vaut guère mieux que Netanyahou, c’est un moyen de reprendre le contrôle de la contestation.

Au-delà de la question de la Cour suprême, l’ampleur de la mobilisation montre qu’une partie de la population israélienne perçoit le danger représenté par l’extrême droite, pour elle-même et pour la société dans laquelle elle vit. Elle ne peut cependant s’arrêter aux propositions d’un Yaïr Lapid.

La croissance d’une extrême droite raciste et fascisante dans un État qui prétendait garantir les populations juives contre un retour du nazisme a des raisons précises. En évinçant les populations palestiniennes de leurs terres et en refusant de reconnaître leurs droits, les dirigeants israéliens ont condamné leur population à vivre en permanence sur le pied de guerre et dans un régime de caserne. « On n’est pas en Iran, on ne veut pas d’une théocratie », clamaient bien des manifestants dans les villes israéliennes. Mais c’est la colonisation et la politique antiarabe, encouragée par tous les gouvernements depuis des décennies, c’est la complaisance vis-à-vis des partis religieux réactionnaires, qui ont fourni des troupes à l’extrême droite et en ont fait une force menaçant aujourd’hui de s’en prendre non seulement aux Palestiniens mais aux Juifs eux-mêmes.

La population israélienne ne sera jamais vraiment libre tant que les Palestiniens ne le seront pas.

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