Matières premières : l’argent n’a pas d’odeur23/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2851.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Matières premières : l’argent n’a pas d’odeur

En 2022, le commerce international de matières premières, essentiellement maritime et dominé par quelques grandes sociétés, a dégagé 115 milliards de dollars de profit brut, le triple de l’année précédente.

Un tiers de ce résultat vient du commerce du pétrole, 40 % des autres énergies, 18 % des minéraux et métaux et 5 % des produits alimentaires. Installés au cœur du marché mondial, forts de leur expérience et de leurs énormes capitaux, ayant des bureaux dans toutes les Bourses, tous les ports et toutes les administrations, les grandes maison de négoce spéculent sur tous les produits de base indispensables au genre humain.

Une cargaison de nickel par exemple, sorti des mines d’Indonésie et coté à la Bourse de Londres, peut changer plusieurs fois de destination suivant la variation du cours, la demande de tel ou tel pays, l’ouverture ou la fermeture d’une usine, etc. Le négociant prévient le capitaine par radio de la nouvelle destination et du changement de cap. Les marins embarqués sur ce type de cargo sont au tramping, en vagabondage. Ils ne savent ni quand ni où ils débarqueront. Parfois, sur un vieux cargo tout rapiécé, si la cargaison perd toute valeur, navire et équipage sont abandonnés dans un port, sans ordres, sans salaire, sans espoir.

L’an passé, à cause de la guerre en Ukraine et de l’embargo progressif sur les produits pétroliers russes, le négoce d’or noir a été particulièrement profitable, à condition de savoir jouer avec les lois. Le pétrole sorti de Russie peut ainsi être transbordé en pleine mer d’un pétrolier à un autre, changeant au passage de nationalité. Ou bien le brut russe, acheminé par un honnête négociant, peut être raffiné en Chine, en Inde ou en Arabie saoudite, ­devenant par là même du gasole chinois, indien ou saoudien, avant d’être réinjecté dans le marché mondial par le même négociant ou un autre. Ce trafic est tellement profitable que la location d’un supertanker atteint aujourd’hui 100 000 dollars par jour, alors que le seuil de rentabilité est de 30 000 dollars par jour. Des cargaisons de gaz américain destinées à l’Asie ont aussi depuis un an été détournées en cours de route vers l’Europe et particulièrement vers ­l’Allemagne, prête à payer le prix fort pour faire tourner ses usines. Des navires emplis de blé, qu’il vienne d’Ukraine ou de Rouen, vont là où le cours est au plus haut, même si la cargaison est attendue là où la famine menace.

Le négoce international, tellement profitable et dans lequel bien des familles bourgeoises ont investi les économies de grand-père, prospère ainsi sur le vol, le mensonge et le détournement. Les trois premières firmes sont Glencore, qui a versé l’an passé 1,2 milliard de dollars au Trésor américain afin d’éteindre des poursuites pour corruption ; Trafigura, célè­bre pour avoir ­déchargé à ­Abidjan la cargaison toxique du ­Probo Koala, causant 17 morts et des dizaines de milliers d’intoxications ; Cargill, un des principaux artisans de la destruction de la forêt amazonienne afin d’étendre la culture d’un de ses produits phare, le soja. Le commerce mondial des matières premières nourrit un gratin honorable.

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