retraites

La voie de garage du référendum

Avant même que l’Assemblée rejette les motions de censure, 252 députés avaient déposé un projet de loi demandant un référendum d’initiative partagée sur la question du recul de l’âge de départ à la retraite.

Depuis 2015, cette procédure du référendum d’initiative partagée figure dans la Constitution. Si au moins un cinquième des parlementaires le demandent au Conseil constitutionnel, ce qui est le cas en l’occurrence, il faudrait ensuite que plus d’un dixième des électeurs inscrits, soit 4,8 millions environ, le soutiennent via une procédure de signature. Voilà la nouvelle diversion, en forme de pétition, dans laquelle les dirigeants syndicaux et figures politiques de la gauche voudraient que les travailleurs, en pleine mobilisation, s’engouffrent.

Avec un tel référendum, « nous avons encore l’espoir de l’emporter, (…) et de créer les conditions pour que cette réforme ne soit jamais mise en application, en rendant le pouvoir au peuple », a déclaré pour le PCF Fabien Roussel, qui visiblement ne croit pas dans la capacité de la classe ouvrière à faire reculer Macron. Le député LFI François Ruffin trouve une qualité au référendum : il permettrait « de sortir d’une crise sociale par un élan démocratique ». Quant à ­Patrick Kanner, sénateur PS, après deux mois de confrontation entre le pouvoir et le monde du travail, il se paie le ridicule d’en appeler encore à Macron : « C’est une ardente demande faite au président de lancer un référendum. »

Les dirigeants syndicaux sont également en faveur de la préparation d’un référendum. Laurent Berger s’en remettait il y a quelques jours aux parlementaires en déclarant : « C’est à eux de jouer » en faveur d’un référendum. Il est vrai que la CFDT faisait aussi appel aux députés de droite pour voter en faveur des intérêts des travailleurs ! Mais la CGT n’est pas en reste. Dans un communiqué du 20 mars, elle rappelle qu’elle « s’est toujours dite favorable à une consultation citoyenne sur la réforme des retraites. C’est jouable .»

En fait c’est un leurre. Même si en neuf mois les millions de signatures requises étaient recueillies et dûment vérifiées par les autorités, la procédure du référendum, non suspensive de la réforme, donnerait encore six mois au Parlement pour mettre à l’ordre du jour la proposition de loi initiale et l’examiner, sans forcément organiser de vote ni l’adopter. Il n’y a alors que si les parlementaires ne le faisaient pas – on voit mal pourquoi les macronistes se priveraient de cette possibilité – que, dans un an et demi, un référendum pourrait être organisé. Comme le déclarait au Figaro un professeur de droit constitutionnel : « Le référendum d’initiative partagée est conçu pour ne ­jamais être utilisé .» Le pouvoir des capitalistes est en effet bien organisé pour donner l’impression que tous ont voix au chapitre, alors que jamais les travailleurs ne peuvent décider de quoi que ce soit.

Mais, si même cette procédure improbable parvenait à son terme, un référendum remettrait entre les mains des électeurs bourgeois, petits et grands, dont on sait qu’ils pèsent beaucoup dans les scrutins, la possibilité de trancher sur une question vitale pour les travailleurs.

Après avoir essayé de faire croire au monde du travail que son sort se jouait dans les institutions parlementaires, où les cartes maîtresses sont dans la main du gouvernement, les partisans du référendum voudraient que les travailleurs quittent le terrain des grèves et manifestations, pour s’orienter vers une campagne de signatures. Au moment où nombre de travailleurs se rendent compte du rôle fondamentalement antiouvrier des institutions gouvernementales et parlementaires, c’est contribuer à semer de nouvelles illusions sur elles.

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