Grèce : la colère de la rue15/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2850.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grèce : la colère de la rue

Plus de dix jours après la catastrophe ferroviaire près de Larissa, sur la ligne Athènes-Thessalonique, qui a fait 57 morts, les manifestations contre le gouvernement de droite de Mitsotakis se poursuivent.

Le 8 mars, elles avaient déjà rassemblé 65 000 personnes dans différentes villes du pays. Le 12 mars, 12 000 manifestants ont parcouru les rues d’Athènes, 5000 celles de Thessalonique.

La colère ne diminue pas. Plus l’enquête révèle de détails sur le déroulement de ce télescopage tragique entre deux trains, plus ils confirment la responsabilité des dirigeants des chemins de fer, du gouvernement actuel et des précédents, dans le délabrement du réseau ferré.

D’après des éléments d’un rapport publié par la presse, les pannes, les retards, les incidents se sont accumulés ce 28 février, dont un qui aurait nécessité un changement de voie temporaire en raison d’un câble électrique sectionné. Connaissant une partie de ces dysfonctionnements, les deux conducteurs du train de voyageurs et du train de marchandises auraient cherché à communiquer, en vain vu la faiblesse du réseau. C’était fréquent mais, ce jour-là, l’accumulation fut fatale, il suffisait d’une erreur humaine que les équipements de contrôle et de communication défaillants ou inexistants ne permettaient pas de rattraper.

Le chef de gare de Larissa, récemment en poste, a été placé en garde à vue, inculpé d’homicide par négligence. L’inspecteur de la circulation qui l’avait placé à ce poste et deux autres chefs de gare partis avant l’heure ont aussi été inculpés. Mais Mitsotakis a dû reconnaître des années de négligence, et présenter ses « profondes excuses ». Cela ne calme ni les syndicats, qui alertaient depuis des mois sur une catastrophe imminente, ni la population, en particulier les jeunes, très nombreux dans les cortèges pour dénoncer l’État responsable de la mort de bon nombre de leurs camarades étudiants présents dans le train accidenté.

La machine judiciaire s’est mise en route et la Cour suprême a décidé de mettre en cause la haute direction des chemins de fer. Le procureur a demandé tous les dossiers d’accidents ferroviaires mortels pour réévaluer les enquêtes : l’un d’entre eux, un déraillement en mai 2017 sur la même ligne, près de Thessalonique, avait fait quatre morts et cinq blessés graves et l’enquête avait conclu à un excès de vitesse. Le procureur adjoint, lui, au nom de l’Autorité sur le blanchiment d’argent, est chargé d’enquêter sur les dirigeants des chemins de fer et les affaires de pots-de-vin lors des contrats avec des entrepreneurs.

L’enquête sur cette tragédie va-t-elle faire sortir tous les trafics, tous les arrangements du système ? On peut en douter. Quant à l’Union européenne et à ses banquiers, qui se plaignent d’avoir versé en vain 700 millions d’euros pour moderniser le réseau ferré, ils sont les premiers à avoir rançonné la population en lui imposant un régime d’austérité inégalé à travers une administration corrompue.

Le gouvernement grec ne peut que faire profil bas, d’autant plus que les élections législatives approchent. Mais ceux qui, dans les manifestations, crient « Nous n’oublierons pas, nous ne pardonnerons pas » ont raison. C’est bien dans la rue qu’ils peuvent se faire entendre et continuer à le faire.

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