Dans le monde

Grèce : une catastrophe programmée

Le bilan de la catastrophe ferroviaire du 28 février près de Larissa, dans le nord de la Grèce, se monte provisoirement à 57 morts. La réaction populaire a été immédiate contre le gouvernement.

Le Premier ministre très à droite, Mitsotakis, a d’abord accusé le chef de gare, avant de présenter ses excuses devant la colère des familles et celle de la population. Cela s’est traduit dans de nombreuses villes par des manifestations de plusieurs milliers de personnes, dont 12 000 à Athènes, aux cris de « Assassins ! », « Nos morts, leurs profits ».

La véritable raison en est effectivement l’incroyable dégradation des services publics, sous les différents gouvernements, du point de vue des effectifs et du matériel. Cette dégradation est dénoncée depuis des années par la population et les militants syndicaux, y compris dans une mise en garde faite début février auprès de l’administration ferroviaire

Sur le plan des effectifs, il manquerait, selon les syndicats, plusieurs centaines de travailleurs dans les chemins de fer, gérés aujourd’hui par deux sociétés. Hellenic Train est une filiale des Chemins de fer italiens depuis la privatisation en 2017 d’une partie d’OSE, la société ferroviaire grecque. Il reste une partie, Trainose, qui est le dernier secteur appartenant à l’État grec. Hellenic Train est responsable du transport des voyageurs et du fret, tandis que Trainose gère l’entretien et les chantiers d’infrastructures. Dans les deux sociétés, la course aux profits a été de règle, avec tous les risques pour les travailleurs et pour le public.

Faute d’embaucher en masse, le gouvernement a décidé de reconvertir des fonctionnaires d’autres administrations, au moindre coût, comme cela été le cas pour le chef de gare de Larissa, dont Mitsotakis a tenté de faire un bouc-émissaire après cet accident. Âgé de 59 ans, à cinq ans de la retraite, à la suite d’une formation commencée à la mi-juillet 2022, il avait pris son poste de chef de gare en janvier 2023. Du 24 au 28 février, il était seul à travailler de nuit, dans une gare importante, un soir de grande circulation, sur une ligne reliant les deux plus grandes villes du pays. Si on ajoute à cela l’état totalement dégradé du matériel ferroviaire, les risques d’un accident étaient multipliés.

Quant à l’équipement matériel, sur cette ligne comme sur bien d’autres, ni la signalisation ni le contrôle électronique ne fonctionnaient depuis des années. Tout doit donc se faire manuellement ; après s’être assuré que la voie est libre jusqu’à la station suivante, le chef de chaque gare doit transmettre l’information au conducteur. L’implantation du système de signalisation et de contrôle européen des trains (ETCS) exigée par l’Union européenne n’est pas réalisée ou à peine commencée sur cette ligne prioritaire, pas plus que sur les autres. Il était donc impossible d’avertir les conducteurs des deux trains qu’ils roulaient à plus de 150 km à l’heure l’un vers l’autre, et impossible de déclencher un arrêt automatique.

Les responsables sont clairement désignés, quelle que soit l’erreur dramatique du chef de gare. Ce sont les mêmes qui n’ont pas recruté les pompiers nécessaires pour mettre fin aux incendies meurtriers à Mati, en 2018 et dans l’île d’Eubée en 2022, les mêmes qui ont mis l’hôpital à l’agonie. Les responsables, ce sont les gouvernements grecs successifs, c’est l’Union européenne, qui a exigé le remboursement de la dette, les privatisations, la destruction des droits des travailleurs, et qui a aujourd’hui l’audace de réclamer des comptes sur les quelques millions avancés au pays pour une prétendue modernisation des transports.

Contre ces assassins, contre ceux qui ont dépouillé la population pendant des années, les manifestants ont toute les raisons de hurler leur rage.

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