Mediator : les méfaits et l’impunité d’un grand patron11/01/20232023Journal/medias/journalarticle/images/2023/01/P6-1_Mediator_OK_Lupo2.jpg.420x236_q85_box-0%2C77%2C755%2C501_crop_detail.jpg

Leur société

Mediator : les méfaits et l’impunité d’un grand patron

Lundi 9 décembre s’est ouvert un procès en appel du groupe Servier pour le scandale du Mediator, ce médicament responsable de la mort de 1 500 à 2 000 patients, sacrifiés sur l’autel des profits du laboratoire.

Illustration - les méfaits  et l’impunité d’un grand patron

L’histoire remonte à près de cinquante ans quand, en 1976, les laboratoires Ser­vier mirent sur le marché le ­Mediator, avec pour indication le diabète. Chimiquement, c’était une amphétamine qui montra son efficacité comme coupe-faim.

Dans les années 1990, tous les médicaments de cette classe, indiqués pour aider à perdre du poids, furent retirés de la vente en raison de leur toxicité pour le cœur et du risque mortel encouru. Seul demeura le Mediator, puisque son indication officielle n’était pas l’amaigrissement mais… le diabète !

À partir de 1997, le Media­tor resta donc le seul de cette famille chimique sur le vaste marché de l’amaigrissement. Il continua à être produit, prescrit, vendu et remboursé par la Sécurité sociale. La complicité des autorités sanitaires permit à Servier de continuer à mentir et à nier la toxicité de son médicament, qui continuait à délivrer ses effets toxiques et à tuer.

Il fallut attendre 2009 pour que ce médicament soit enfin interdit. Il fallut surtout pour cela deux années de combat acharné de la part d’Irène Frachon, pneumologue à Brest, qui avait lancé l’alerte et tenu bon face à Servier et ses soutiens au sein de l’appareil d’État, et face à l’armée d’avocats et autres experts grassement payés par le laboratoire.

Pendant trente-trois ans de commercialisation, le Media­tor a été prescrit à environ 5 millions de personnes, dont 1 500 à 2 000 l’ont payé de leur vie.

Il a encore fallu douze ans avant que, en 2021, le tribunal reconnaisse que les laboratoires Servier « disposaient à partir de 1995 de suffisamment d’éléments pour prendre conscience des risques mortels » liés au Mediator et qu’ils soient condamnés, pour tromperie aggravée et homicides et blessures involontaires à 2,7 millions d’euros d’amende.

C’était encore éviter de parler des mensonges, des escroqueries, de l’empoisonnement délibéré… Quant au montant de l’amende, c’était une bagatelle au regard des près de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires de Servier la même année, à peine 0,05 % !

La sentence, bien tardive, était bien en deçà des attentes des victimes et même des réquisitions du parquet. C’est ainsi qu’en avril 2021 ce dernier faisait appel et que, deux jours plus tard, les laboratoires ­Servier faisaient appel de leur condamnation.

Voilà pourquoi, depuis le 9 décembre dernier, tout recommence… Dans une récente interview, Irène Frachon déclarait : « Le Mediator n’est pas un accident. C’est un produit de ce système que rien ne peut défaire. » En tout cas ce n’est pas la justice qui le fera !

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