Grande-Bretagne : pour les salaires, les luttes continuent11/01/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/01/2841.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : pour les salaires, les luttes continuent

Les rencontres organisées lundi 9 janvier par le gouvernement conservateur avec plusieurs dirigeants syndicaux britanniques, en vue de désamorcer les grèves prévues ce mois-ci, n’ont débouché sur aucun accord. La vague de protestations sur les salaires amorcée en 2022 ne semble donc pas près de s’arrêter.

Depuis sa prise de fonction comme Premier ministre en octobre dernier, l’ex-banquier Sunak a joué la carte de l’inflexibilité. Aux syndicats du secteur public qui revendiquent des hausses de salaire à la hauteur de l’inflation, aujourd’hui à 14 %, il répond que l’État n’en a pas les moyens. Quant aux revendications identiques dans le secteur privé, il les a hypocritement renvoyées aux discussions entre syndicats et grands patrons, alors même que l’État y conserve un rôle important, par exemple dans la gestion du réseau ferroviaire.

Mais la persistance des grèves pose un problème à Sunak et aux capitalistes dont il se veut le serviteur. En 2022, la Grande-Bretagne a connu sa plus forte vague gréviste depuis les années 1970, et les luttes se poursuivent en ce début d’année. Du 3 au 7 janvier, des grèves ont eu lieu en même temps ou successivement dans les chemins de fer, les réseaux de bus, la police aux frontières, chez les employés des autoroutes et les inspecteurs d’autos-écoles. Mardi 10, c’était au tour des instituteurs écossais de cesser le travail, suivis le lendemain par les ambulanciers anglais et gallois, en attendant la nouvelle grève des infirmières les 18 et 19.

Pour faire mine de répondre à la crise du système de santé, Sunak a récemment laissé entendre qu’il serait prêt à offrir aux infirmières, voire à d’autres, une prime exceptionnelle pour les aider à passer l’hiver, en lieu et place d’une augmentation. Le 9, il a entrouvert la porte à des négociations, laissant au ministre de la Santé le soin de rencontrer la leader du syndicat des infirmières, au ministre du Transport de rencontrer celui du syndicat des cheminots, etc. Apparemment, les bureaucrates à la tête des principaux syndicats ont jugé qu’il était trop tôt pour signer des compromis qui risqueraient de les déconsidérer auprès de leurs adhérents, au moment même où ils espèrent remonter la pente. Les effectifs des syndicats britanniques sont tombés de 13 millions de membres en 1980 à 6,5 aujourd’hui. Mais les chefs de ces appareils n’ont jamais caché qu’ils cherchent une porte de sortie pour éviter les conflits sociaux et les tractations vont se poursuivre dans les semaines à venir.

Le petit geste d’ouverture de Sunak s’accompagne de nouvelles menaces sur le droit de grève, déjà fort restreint. Pour qu’une grève soit légale, il faut aujourd’hui en passer par un vrai parcours du combattant : les travailleurs doivent se prononcer à bulletins secrets, des seuils de participation et d’approbation doivent être atteints, et l’ensemble du processus peut s’étaler sur des mois, sans compter que, une fois le principe de la grève adopté, elle doit être reconfirmée au bout d’un semestre. De plus, les grèves dites secondaires, c’est-à-dire par solidarité avec une autre catégorie de salariés, sont interdites. Confronté à une colère sociale qui ne faiblit pas, Sunak voudrait introduire un service minimum dans six secteurs de l’économie, et compliquer encore les procédures pour voter et prolonger une grève.

Bien dans son rôle de défenseur de la bourgeoisie, le gouvernement conservateur cherche à faire rentrer les exploités dans le rang, entre intimidation et main tendue aux bureaucraties syndicales. Quant aux travailleurs, la défense de leurs intérêts ne pourra passer que par leurs propres mobilisations dépassant les frontières catégorielles dans lesquelles elles ont été jusqu’à présent contenues.

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