Editorial

Incendie à Vaulx-en-Velin : un drame et un avertissement

Dix morts dont quatre enfants, des habitants qui sautent dans le vide pour échapper aux flammes : le dramatique incendie d’un immeuble de Vaulx-en-Velin n’est pas un simple accident dû à la fatalité.

Cette copropriété d’un quartier pauvre, dans l’une des communes les plus pauvres de la banlieue lyonnaise, n’était pas entretenue, ses parties communes étaient transformées en décharge, les accès de secours scellés et son hall d’entrée servait de point de vente pour les dealers.

Un tel drame pourrait survenir dans des centaines de quartiers transformés en ghettos de pauvreté. Le chômage de masse, la misère qu’il engendre et l’absence de perspectives pour les jeunes y entraînent la dégradation de toute la vie sociale. Des immeubles se délabrent. Des trafics s’installent. Les transports se raréfient. Les écoles manquent de personnel et de moyens pour accueillir des enfants aux besoins plus grands qu’ailleurs. Les médecins ne s’y installent plus et les bureaux de poste sont fermés.

Les bas salaires, la précarité des emplois ou les retraites trop faibles empêchent ceux qui y sont relégués de se loger ailleurs. Ceux qui se sont endettés pour acheter leur appartement sont piégés, ne pouvant ni payer les rénovations ni revendre leur bien. Et combien, parce qu’ils sont immigrés, sont refusés dans d’autres quartiers ?

Le drame a déclenché une vague d’entraide efficace en quelques heures. Cet élan montre que la solidarité au sein des classes populaires n’est pas un vain mot. N’en déplaise aux réactionnaires qui dépeignent les quartiers populaires comme une jungle, cette entraide, entre voisins ou au sein des familles, est permanente. Elle seule permet de faire face aux conditions de vie qui se durcissent, aux fins de mois difficiles et aux défaillances des services publics utiles aux habitants.

Il n’y a rien de tel à attendre des politiciens au pouvoir. Pas moins de deux ministres, le président de région, le député de la circonscription et d’autres encore, se sont déplacés au pied de l’immeuble. Ce défilé d’élus est abject car ils versent des larmes de crocodile sur le sort d’un quartier que toute leur politique passée et présente a transformé en ghetto.

Le ministre du Logement Olivier Klein a vanté « les investissements faits pour le renouvellement urbain ». Gouvernement après gouvernement, des dizaines de milliards d’euros ont été consacrés à la rénovation des villes. Cet argent public a enrichi une myriade d’entreprises du bâtiment pour des rénovations souvent douteuses. Il a parfois servi à chasser les pauvres vers des zones encore plus reléguées suite au remplacement des logements sociaux par des copropriétés.

En réalité, depuis que règne le capitalisme, une fraction importante des travailleurs n’a jamais pu se loger dignement. La cause est simple : le patronat refuse de verser des salaires suffisants pour payer un logement correct, et les politiques urbaines successives ne compensent pas.

Même quand l’habitat est rénové, les municipalités populaires sont étranglées, car l’État préfère arroser la bourgeoisie par centaines de milliards. Combien de municipalités ne peuvent plus financer les centres aérés ? Combien restreignent les horaires d’ouverture des médiathèques ? Combien ont dû fermer cet hiver des piscines ou des salles municipales à cause du prix de l’énergie ? Ces restrictions livrent à la rue les jeunes qui deviennent la proie des bandes.

Cultivant sa posture, Darmanin a affirmé que les effectifs de police avaient augmenté à Vaulx-en-Velin. La délinquance rend certes la vie infernale. Mais ni l’augmentation du nombre de policiers, surtout s’ils se comportent comme en territoire ennemi, ni l’armement des policiers municipaux n’enrayeront la montée de la violence, dont les causes sont d’abord sociales.

Pour changer leur sort, les exploités ne pourront compter que sur eux-mêmes. Face aux patrons qui exploitent leur travail, face aux gouvernements qui attaquent leurs conditions d’existence, autant que face aux bailleurs plein de mépris et même face aux trafiquants, ils constituent une force capable d’agir et de régler bien des problèmes.

Cette force, autrefois incarnée par les partis ouvriers, il faut la reconstruire et l’implanter dans les entreprises et les quartiers ouvriers. L’enjeu n’est pas seulement d’éviter de nouveaux drames mortels. L’objectif est de renverser cet ordre social insupportable dans lequel la fortune d’une poignée de riches bourgeois repose sur le maintien dans la misère de ceux qui produisent tout.

Bulletins d’entreprise du 19 décembre 2022

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